Thèse soutenue

André Gide au miroir de la critique : "Corydon" entre œuvre et manifeste

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Auteur / Autrice : Chahira Abdallah El Sokati
Direction : François Dachet
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Langue et Littérature Françaises
Date : Soutenance le 19/03/2011
Etablissement(s) : Paris Est
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale Cultures et Sociétés (Créteil ; 2010-2015)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : LIS - Lettres Idées Savoir - Lettres, Idées, Savoir
Jury : Président / Présidente : Francis Claudon
Examinateurs / Examinatrices : François Dachet, Robert Smadja
Rapporteurs / Rapporteuses : Assia Belhabib, Mustapha Bencheikh-Latmani

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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Corydon est un essai dans lequel André Gide soutient une nouvelle théorie de l’amour"pédérastique normal". Il y défend sa position tout en esquissant son identité, et en s’efforçant de faire reconnaître celle-ci à travers son œuvre. Il répond ainsi à l'inquiétude de toute sa génération, ou au moins d’une élite de cette génération. Gide le dit : Corydon est un livre par lequel il veut « gêner ». La thèse suit les transformations de la réception de Corydon depuis sa publication et étudie les différentes étapes de la lecture de cette œuvre. À la parution de Corydon en 1924 les critiques furent très violentes et portèrent dans la plupart des cas sur l’aspect moral du livre.Les amis de Gide avaient essayé de le dissuader de publier Corydon. Mais malgré leurs tentatives Gide n’y renonça pas. Pourtant, il ne laissa paraître Corydon qu’en 1924, après deux publications clandestines et anonymes en 1911 et en 1920. Il expliqua ensuite ce délai en écrivant qu’il craignait de "contrister" sa femme. Gide comptait sur l’Amérique pour faire sortir Corydon de dessous "le boisseau" où il était maintenu en France. Et c’est justement des États-Unis qu’il recevra la première proposition de publier Corydon, précisément le 8 novembre 1924. Mais l’édition américaine ne paraîtra qu’en 1949. Les prises de positions vont varier selon les époques et selon les changements des mœurs qui les accompagnent. Certains critiquent le ton militant de Gide, d’autres encore lui reprochent la structure dialogique du texte qui lui permettait de se cacher derrière Corydon et son médecin au lieu de prendre la parole en son nom. On trouve aussi des critiques qui défendent Corydon soit par tolérance à l’égard de l’homosexualité, soit parce qu’ils apprécient le livre du point de vue humain et de la défense des droits universels de citoyenneté des homosexuels. D’autres valorisent l’audace et admirent le courage de Gide de s’engager à titre personnel. En suivant l’évolution de la réception de Corydon, nous constaterons donc qu’il est impossible pour les critiques de séparer l’aspect littéraire de l’aspect moral de l’oeuvre. Mais au fil des années, les critiques vont évoluer, parallèlement aux transformations éthiques et politiques de la société, puis en relation avec le développement des études gays et lesbiennes et des théories queer. Ces critiques vont s’arrêter de plus en plus sur l’aspect littéraire du livre de Gide. Les questions relatives au genre et à l’homosexualité vont y être mises en relief comme thème littéraire, et seront aussi invoquées comme le motif de nécessaires transformations stylistiques. Il y a une relation réciproque entre l’évolution des cultural studies et l’évolution des critiques de Corydon. Se développent des formes d’écriture subjectives, qui parlent de questions spécifiques. Les apparitions multiples de personnages homosexuels dans la littérature vont ouvrir la question de l’existence d’une littérature homosexuelle, gay ou lesbienne. De leur côté les réflexions sur le thème du mariage homosexuel amèneront nécessairement à repenser la relation nature-culture que Gide envisage dans Corydon. À son époque Gide est l’écrivain qui fait entendre la mise en cause de la famille, devançant ainsi les théories plus récentes des Gender studies. « Familles, je vous hais ! Foyers clos ;portes refermées ; possessions jalouses du bonheur.1 » À travers Corydon, Gide veut combattre les préjugés, le mensonge et faire reconnaître en chacun la particularité la plus authentique de sa nature. Il écrit à ce propos : « J’estime que mieux vaut encore être haï pour ce que l’on est, qu’aimé pour ce que l’on n’est pas. Ce dont j’ai le plus souffert durant ma vie,je crois bien que c’est le mensonge. Libre à certains de me blâmer si je n’ai pas su m’y complaire et en profiter. Certainement j’y eusse trouvé de confortables avantages. Je n’en veux point.»