Thèse soutenue

Stabilité et changement des conceptions stratégiques de Tony Blair sur le processus de paix au Moyen-Orient : la mutation institutionnelle du Premier ministre en Représentant du Quartet
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Auteur / Autrice : Sardor Usmanov
Direction : Thomas Lindemann
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Science politique
Date : Soutenance le 18/02/2011
Etablissement(s) : Bordeaux 4
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de science politique (Pessac, Gironde ; 1995-2011)
Jury : Président / Présidente : Jacques Faget
Examinateurs / Examinatrices : Christian Olsson
Rapporteurs / Rapporteuses : Danielle Cabanis, Jean-Marie Crouzatier

Résumé

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Le monde académique a récemment démontré un vif intérêt envers les théories de la socialisation. Pourtant, de nombreux penseurs argumentent que le terme de « socialisation », surtout la socialisation des acteurs internationaux au sein des institutions internationales, demeure peu développé.Différentes approches des relations internationales traitent ce concept de façon divergente. Si le néoréalisme utilise la « socialisation » pour décrire l’homogénéisation de la conduite des acteurs internationaux sous les conditions de l’anarchie1, l’institutionnalisme contractuel aborde l’interaction sociale au sein des institutions comme un phénomène n’ayant pas d’impact sur les «identités» et les « intérêts » des acteurs. Par ailleurs, pour les constructivistes, la socialisation constitue un concept pivot. Dans leurs analyses sur la création et la diffusion des normes internationales, les constructivistes portent leur attention sur les «logics of appropriateness”. Ils expliquent que le comportement des acteurs pertinents subit des mutations dues aux changements endogènes dans leurscaractéristiques normatives et leurs identités. Une autre tendance peu développée dans le monde académique est l’application du concept de la socialisation dans le domaine d’étude de la paix, tout particulièrement, la médiation internationale. Il n’y a pas davantage de consensus parmi les spécialistes de la question même si la nature, l’identité et les caractéristiques cognitives sont indispensables pour effectuer une médiation efficace.Alors qu’un groupe d’experts (Oran Young, Jacob Bercovitch) a présenté l’identité des médiateurs en faveur de la paix comme une raison du succès de la médiation, un autre groupe (auquel appartient Marvin Ott) a réduit ce sujet à une position secondaire. La littérature sur la médiation a étudié plusieurs exemples significatifs, tant à propos du contexte que des conditions de l’intervention diplomatique au plus haut niveau. Parmi ces contributions académiques on peut remarquer une étude de cas sur le rôle du Président américain Carter au cours des négociations de Camp-David2. Dans le même esprit, Brian S. Mandell and Brian W. Tomlin ont étudié les activités de médiation d’Henry Kissinger pendant la période 1973-1976, et ont observé comment sa stratégie a modifié les paramètres qui régissaient la dispute entre les Israéliens et les Arabes, et a contribué à l’introduction de nouvelles conditions3de discussion. Pourtant cet exemple et d’autres études analytiques de la participation de hautes personnalités dans la médiation, n’ont pas suffisamment traité de l’impact des institutionsinternationales sur les processus cognitifs des acteurs. Nous croyons que l’exploration des approches stratégiques des médiateurs avant leur intégration au sein des institutions et l’impact de cette intégration sur leur compréhensionantérieure de la question pourrait constituer un profond intérêt académique. C’est pour cette raison que notre analyse doctorale vise à contribuer à remplir le vide mentionné ci-dessus en combinant ces deux perspectives : l’approche sociologique et la résolution des conflits. L’axe de notre étude doctorale est Tony Blair, ancien Premier ministre britannique et actuellement Représentant du Quartet international pour le Moyen Orient. Nous visons à investiguer sur l’attitude cognitive de Tony Blair à l’égard de la paix entre les Palestiniens et Israël dans les deux contextes institutionnels : d’abord, en tant que Premier ministre (de 1997 à 2007), ensuite en tant qu’Envoyé du Quartet (depuis 2007 jusqu’à maintenant).En termes généraux, nous tenterons de présenter un aperçu de la compréhension conceptuelle de Tony Blair sur des causes du conflit, sa perception des intentions et des capacités des partis concernés, ainsi que sa vision des stratégies les plus efficaces pour résoudre ce conflit. Nous suggerons que le choix de cette personnalité comme unité de notre analyse, parce qu’il a été Premier ministre britannique et qu’il est actuellement Représentant du Quartet est un choix assez pertinent par rapport aux argumentations des constructivistes. Premièrement, selon Cederman, les structures sociales et les caractéristiques des agents sont mutuellement constitutives4. De cela vient la proposition que la stabilité et leschangements dans le système cognitif et la position politique d’un Premier ministre de la Grande-Bretagne (Tony Blair ou d’autres) va produire certains effets sur le comportement gouvernemental. Deuxièmement, ce serait une tâche analytiquement intéressante de montrer comment des interactions internationales peuvent influencer les perceptions du conflit et les prescriptions politiques d’un ancien leader d’une puissance, actuellement envoyé pour la paix. En faisant appel à la rationalité pour notre étude mentionnée ci-dessus, nous pouvons formuler la question de cette recherche de la façon suivante : Comment la conception stratégique de Tony Blair évolue-t-elle avec le changement du contexte institutionnel? Comme il a été explicitement noté, nous observons dans notre étude les processus cognitifs de Tony Blair dans deux contextes institutionnels différents. Pour cela, nous allons diviser le travail en deux parties constitutives, ou deux études de cas. Dans la première étude de cas, nous allons traiter de l’approche stratégie de Tony Blair envers le processus de paix en qualité de Premier ministre. Dans la seconde étude, nous explorerons la stabilité ou le changement de ses conceptions stratégiques en tant que Représentant international. La première étude est divisée en deux chapitres inégaux. Le chapitre I est consacré aux processus cognitifs du Premier ministre du 11 septembre 2001 à janvier 2006. Le chapitre II est concerné par sa dynamique cognitive de janvier 2006 jusqu’à son départ du pouvoir en juin 2007. Cette division inégale est justifiée par notre choix de présenter les événements de début 2006 qui auraient pu potentiellement changer la conception de Tony Blair. En effet, en 2006, le groupe palestinien Hamas a remporté la victoire dans les élections nationales. Un responsable du gouvernement de Blair l’a rappelé: « Personne n’attendait ce résultat.L’élection avait été planifiée comme moyen de neutraliser le Hamas, mais tout d’un coup cela est survenu […] de manière surprenante ». Dans ce contexte, et du point de vue analytique la question principale est de voir comment le Premier ministre Tony Blair a fait face à la situation évoquée. Celle-ci pouvait, soit engendrer des changements dans le contenu de ses convictions sur les approches stratégiques les plus optimales envers le conflit, soit il pouvait interpréter la nouvelle situation de telle façon que sa connaissance et ses idées soient conservées intactes. Comme la victoire du Hamas aux élections de 2006 était passible de produire des changements relatifs à la stabilité du processus de paix, nous avons décidé de traiter cette question dans un chapitre séparé, bien que cette période (2006-2007) soit plus courte que lapériode précedente.