La mobilisation des diplômés chômeurs au Maroc : usages et avatars d'une protestation pragmatique
Auteur / Autrice : | Montserrat Emperador Badimon |
Direction : | Michel Camau |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Science politique |
Date : | Soutenance le 09/09/2011 |
Etablissement(s) : | Aix-Marseille 3 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École Doctorale Sciences Juridiques et Politiques (Aix-en-Provence) |
Jury : | Président / Présidente : Mohamed Tozy |
Examinateurs / Examinatrices : Michel Camau, Michel Dobry, Joan Subirats Humet | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Lilian Mathieu, Mounia Bennani-Chraïbi |
Résumé
Au Maroc, l’insertion professionnelle des jeunes diplômés est problématique. Lors des décennies qui suivent l’indépendance, cette catégorie sociale fait valoir sa formation pour obtenir un emploi dans un secteur public alors en pleine expansion. Un tel débouché consolide une représentation du diplôme comme voie infaillible de promotion sociale. Or, l’application des mesures d’ajustement structurel, à partir de 1983, freine de façon drastique le rythme d’insertion dans la fonction publique. Mis à mal, l’Etat employeur n’est pas relayé par un secteur privé, au demeurant incapable d’assurer la stabilité sociale afférente aux emplois publics.Depuis la fin des années 1980, des « diplômés chômeurs » s’organisent dans des structures militantes pour revendiquer collectivement leur insertion dans la fonction publique. Leurs demandes donnent lieu à diverses formes d’action : marches, sit-in, grèves de la faim, occupations de bâtiments ou lobbying direct auprès des responsables publics. Le discours collectif met en avant le statut de diplômé et l’ « injustice » implicite au chômage de cette catégorie. Devenue une constante de la scène protestataire, la mobilisation des diplômés chômeurs est parvenue à se stabiliser dans une version apparemment « apolitique ». Son efficacité est imprévisible mais réelle, au regard des postes d’emploi accordés aux militants, ce qui entretient une disponibilité de candidats pour le passage à l’acte. L’efficacité de la mobilisation tient aux modalités d’insertion des protestations dans l’arène politique marocaine, faisant du « diplômé chômeur » l’objet d’usages disparates.En tant que catégorie sociologique et acteur protestataire, les diplômés chômeurs incitent une pluralité d’acteurs à « faire et à dire ». Les modalités d’action et de discours des chômeurs sont en constant mouvement, altérées ou intégrées aux calculs de partis en situation de concurrence électorale, de coalitions protestataires élargies critiques à l’égard du régime, de responsables publics visant à légitimer leurs décisions, etc. Protéiforme et apparemment inépuisable, la dynamique protestataire des diplômés chômeurs nous renseigne sur les limites autoritaires des expressions de mécontentement au Maroc. Elle nous permet d’approcher les modalités de la gestion de la question sociale et les ressorts du traitement des débordements sociaux et des (potentielles) oppositions politiques. Si la gestion par la force n’a pas disparu, elle est sans doute effacée et dépassée par une approche publique qui vise à domestiquer la mobilisation protestataire.