Thèse de doctorat en Ecologie-éthologie
Sous la direction de Bernard Thierry.
Soutenue en 2010
à Strasbourg .
Comme chez l’homme, des interactions réciproques surviennent chez des animaux comme les primates. Ces interactions pourraient être basées sur le mécanisme de la réciprocité calculée, c’est-à-dire que les sujets mémorisent les services donnés et reçus, et en tiennent compte dans leurs échanges futurs. Cette thèse a eu pour objectif d’étudier les conditions de la réciprocité calculée 1. En testant si les primates intègrent le coût temporel associé à un échange, 2. En étudiant leur aptitude à prendre en compte le risque inhérent à la situation d’échange, et 3. En recherchant s’ils peuvent s’engager avec un congénère dans des échanges de type calculé dans des conditions contrôlées. La 1ère étude montre que pour une récompense 8 fois supérieure à l’item initial, le délai moyen toléré est égal à 10-20 s pour les capucins, 40-80 s pour les macaques, et 1-2 mn pour les chimpanzés. La 2nde étude montre que les sujets sont capables d’estimer les chances de gain et de perte et de prendre en considération ces informations pour décider d’échanger ou non. La 3ième étude révèle que seuls 2 orangs-outangs ont été capables de s’engager dans un système d’échange stable et calculé. Seuls quelques cas de quémandes et de dons ont été relevés chez les chimpanzés, les bonobos et les gorilles. Chez les singes, aucun cas de quémande ou de don n’a été observé. Bien que l'échange spontané de biens s'avère difficile chez les primates, ce travail montre qu'ils possèdent à divers degrés les facultés nécessaires pour comparer la valeur des biens, accepter un risque ou retarder une gratification, qui sont autant de mécanismes à la base des transactions économiques chez l’homme.
Comparative study of exchange abilities in non-human primates
As in humans, reciprocal interactions are reported in animals such as primates. Some authors proposed that these interactions are based on calculated reciprocity, a mechanism by which individuals keep track of what has been given and returned and consider it for future exchanges. This work aimed at studying the conditions necessary for calculated reciprocity to occur 1. By testing whether primates understand the temporal cost associated with an exchange, 2. By studying the capacity of primates to take a risk during an exchange and 3. By searching whether primates are capable to engage with a conspecific in a calculated exchange under controlled conditions. In the 1st study, for a reward equivalent to 8 times an initial item, capuchins could wait for 10-20 s, macaques for 40-80 s and chimpanzees for 1-2 min. In the 2nd study, primates are capable to estimate gain and loss probabilities and to consider it when deciding to engage or not in an exchange. In the last study, two orang-utans were able to engage in a system of exchanges that was both stable and calculated. Only few begging gestures and gifts were observed in chimpanzees, bonobos and gorillas; and individuals were not capable to reciprocate. In capuchins and macaques, no begging gesture nor gifts has been observed. Although spontaneous exchange is difficult in non-human primates, this work shows that they possess some abilities to evaluate the value of goods, to accept a loss and to delay gratification, which are among the required capacities underlying economics transactions as observed in human beings.