Thèse soutenue

L'épreuve : La « prison-pharmakon » : remède et poison
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Auteur / Autrice : Anne Lécu
Direction : Dominique Folscheid
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie pratique
Date : Soutenance le 02/10/2010
Etablissement(s) : Paris Est
Ecole(s) doctorale(s) : OMI - Organisation, Marchés, Institutions
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : EEP - Espaces Ethiques et Politiques - Institut Hannah Arendt
Jury : Président / Présidente : Michel Terestchenko
Examinateurs / Examinatrices : Dominique Folscheid, Jean-Marie Delarue, Jacques Arènes
Rapporteurs / Rapporteuses : Pierre Magnard, Émile Kenmogne

Résumé

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Ce qui arrive à l’homme du XXIe siècle en prison est en partie analogue à ce qui arrive àl’homme tout court. Nous avons perdu l’innocence (seuls les enfants ne l’ont pas encore perdue), ettentons de la récupérer en nous revendiquant victimes. Présumés coupables, isolés, observés, voilà ceque nous sommes devenus. L’homo carceralus est une sorte de type qui hante notre cultureoccidentale. Fruit du nihilisme et de la gnose. C’est pourquoi il est pertinent de chercher à penser sonépreuve, non de l’extérieur, mais comme ce qui peut nous arriver à chacun, et d’en repérer ce quil’empoisonne ou ce qui la libère. Car la gnose, qui est peut-être sophisme ou nihilisme, est menteuselorsqu’elle fait croire que l’on sort de l’épreuve par “en haut”, par la fuite hors des conditions de viehumaines, dans le scientisme naturaliste, le savoir statistique ou la technique. La résignation et la fuiteen avant ont le même visage, celui de la fatalité : ni l’une et ni l’autre n’aiment ce monde, ni ce temps.Or, ce n’est pas ailleurs que du sens peut advenir. Si la prison est un pharmakon, remède etpoison, c’est qu’elle reste une institution humaine. La grandeur de l’homme est d’être puissance descontraires, capacité de surmonter tout déterminisme, capacité de ne pas se résigner à la fatalité, aucoeur même de sa misère. Encore faut-il ne pas être abandonné seul dans l’épreuve, tant il est vrai quec’est l’autre, et particulièrement l’autre ébranlé, grâce à qui la traversée est possible, par “en bas”. Lesoin en prison s’enracine dans cette « solidarité des ébranlés ». Pour naviguer entre les différentsdispositifs pénitentiaires et sanitaires qui visent à contrôler et à prévoir le comportement des captifs, lemédecin doit faire preuve de mêtis, cette intelligence des interstices, au service de son patient. Et enmême temps, il doit garder de façon catégorique le secret médical, au nom de ce que l’homme restetoujours opaque à toutes les sciences et les techniques, plus grand que lui-même, en sa fragilité. Cesavoir « de nuit » n’est autre que le savoir socratique : « je sais que je ne sais pas ».