Thèse de doctorat en Sciences humaines et sociales
Sous la direction de Danièle Linhart.
Soutenue en 2010
à Paris 10 .
L’expansion numérique des métiers de la vente, du marketing et de la communication, depuis plusieurs décennies, est en général attribuée à l’entrée dans une économie post-fordiste, caractérisée par une concurrence plus féroce que par le passé. Ce travail défend l’idée que les économies occidentales sont en fait toujours de type fordiste, et que la croissance permanente du nombre de cadres du secteur privé travaillant à administrer la demande reflète aussi les tensions macroéconomiques – en premier lieu le risque de surproduction – que présente un capitalisme mondialisé sans régulation cohérente. Dans les grandes organisations et les réseaux contemporains, ces cadres ont effectivement une influence non négligeable : chez les annonceurs de certains secteurs, les marketers sont en position de chefs d’orchestre des projets de renouvellement des produits. Éloignés des centres de décision les plus stratégiques, les marketers des filiales ont parfois une prise directe sur les innovations mineures ; et avec les cadres des agences de publicité et des instituts d’études de marché, ils exercent collectivement un pouvoir de conseil auprès des instances dirigeantes des grands groupes. Leur participation au pouvoir industriel de ces groupes est donc indirecte. Leur familiarité avec l’art contemporain (les uns) et avec les sciences humaines (pour d’autres) apparaît comme une médiation essentielle de cette influence diffuse sur l’innovation industrielle et commerciale à notre époque, et comme une source de leur aura dans le monde des affaires.
Involvement of marketing and communication managers within the industrial power : The work and influence of a rising professional group
The growing importance of sales, marketing and communication we have been witnessing for some decades is generally attributed to the fact that we are now living in a post-Fordist economy characterized by increasingly ferocious competition. As opposed to this vision, we wish to show in this piece of work that Western economies are still Fordist, and that in itself, the ever rising number of managers working in the private sector and dedicated to organizing demand also reflects major macroeconomic trends – first and foremost the threat of overproduction – pertaining to a global capitalist economy deprived of any coherent regulation. In the large corporations and networks where these managers work, their influence is indeed quite considerable: in some advertising departments, market researchers actually orchestrate the renewal of products. Marketers working in subsidiary companies, though not operating as close to the strategic decision-making centres, sometimes directly stimulate minor innovations. And, together with the advertising and market study managers, they collectively act as a consulting power for large corporations executives. Thus they indirectly participate in the industrial power of these corporations. Their acquaintance with contemporary art (for some of them) and with human sciences (for the others) is an essential part of their loose influence over the industrial and commercial innovation of our times, as well as a root of their prestige within the business world.