Thèse de doctorat en Science politique
Sous la direction de Ghassan Salamé et de Alexis Keller.
Soutenue en 2010
à Paris, Institut d'études politiques en cotutelle avec l'Université de Genève .
La plupart des experts de la prolifération, universitaires ou gouvernementaux, considèrent le scénario selon lequel un Etat doté d’armes nucléaires y renonce comme hautement improbable, voire impossible. C’était déjà le cas lorsque l’Afrique du Sud, l’Ukraine, la Biélorussie et le Kazakhstan l’ont fait. Cette thèse se propose d’explorer ces deux modalités de la séduction de l’impossible : celle qui conduit les experts à penser l’histoire nucléaire dans le cadre d’un « paradigme proliférant » que nous décrirons, et celle qui, par contraste, conduit les dirigeants politiques à réaliser le renoncement jugé impossible. Ce discours de l’improbable voire de l’impossible serait valide à deux conditions : si l’on pouvait identifier dans le passé des conditions nécessaires au renoncement qui en réduisent la probabilité et si l’on admet que l’avenir ressemblera au passé. Si tester le caractère nécessaire de ces conditions permet d’éprouver l’improbabilité du renoncement, tester leur caractère suffisant présente un intérêt complémentaire. L’« expert » qui démontrerait leur caractère suffisant pourrait utiliser sa seule compétence pour fonder une politique de non-prolifération et désarmement nucléaire unidimensionnelle. En d’autres termes, l’existence de conditions nécessaires ou suffisantes restreindrait la capacité du politique à ouvrir de nouvelles possibilités historiques et justifierait le remplacement du jugement politique par la connaissance comme guide de l’action. Notre question sera donc : y a-t-il des conditions nécessaires ou suffisantes pour qu’un Etat en situation de dilemme de la sécurité renonce à se doter d’un système d’armes nucléaire ?
The seduction of the impossible : a study on the renunciation of nuclear weapons and the political,authority of experts
Most "proliferation experts" consider the scenario in which a nuclear-weapon-state gives up his nuclear arsenal as highly improbable or impossible. Academics as well as government experts seem to share this view. They already did when South Africa, Ukraine, Belarus and Kazakhstan did give up their arsenals. This dissertation therefore explores the two sides of the "seduction of the impossible". One leads experts to think about nuclear history within the framework of a "proliferation paradigm" we shall describe; the other leads policymakers to actually do what is considered as impossible, in other words, giving up nuclear arsenals or ambitions. For this discourse of impossibility to be valid, two conditions should be met. First, this impossibility should be identified in the past thanks to a series of necessary conditions that reduces its probability. Second, the future should be known to resemble the past. This dissertation tests these two assumptions with structured and focus comparisons of historical cases and investigates the consequences of the "proliferation paradigm" in terms of political authority of experts. It tests a series of supposedly necessary conditions for renunciation to occur and assesses whether these conditions could be sufficient. If so, under the assumption that the future will resemble the past, experts could dictate a unidimensional renunciation policy on the sole basis of their knowledge.