Thèse de doctorat en Sociologie
Sous la direction de Nilüfer Göle.
Soutenue en 2010
à Paris, EHESS en cotutelle avec l'University of Sussex .
Soeurs de Malalay : la visibilité publique des femmes dans l'Afghanistan d'après le régime Taliban
Cette thèse explore les modalités et conditions de l'apparition des femmes dans l'espace public suite à la chute du régime Taliban. Sur la base d'un terrain ethnographique de 12 mois réalisé en 2007 parmi différents groupes de femmes (députés, femmes militantes, étudiantes à l'Université de Kaboul) pour la plupart basés à Kaboul, ce travail étudie les réponses des femmes à diverses anxiétés sociales ayant émergé en raison de leur nouvelle visibilité. Nous défendons l'idée que même si le projet actuel de « reconstruction » a offert de nouvelles opportunités pour les femmes et de nouveaux imaginaires sociaux quant à leur rôle dans la société afghane, son cadre idéologique (les notions libérales d'égalité et de droits de l'homme) ainsi que la présence de troupes étrangères, ont alimenté des tensions à différents niveaux de la société afghane. Sous la pression de leur communauté pour rester fidèles à leur « culture », « religion » et « tradition » d'une part, et encouragées à devenir visibles dans l'espace public par les forces de la globalisation d'autre part, les femmes afghanes ont dû s'adapter et trouver des alternatives afin de préserver une certaine autonomie. Je décris ces tactiques comme « pratiques d'opposition quotidiennes » (De Certeau 1984), c'est-à-dire des pratiques complexes de dissimulation qui sous l'apparence nécessaire de la conformité permettent aux femmes de reconfigurer les normes sociales et d'ouvrir de nouveaux espaces pour elles-mêmes. De manière plus générale, ce travail aborde les thèmes du nationalisme, de l'Islam, du genre, du voile, de la modernité, du libre arbitre (agency), du droit et de l'espace public.
This thesis investigates the modalities and conditions of Afghan women's reappearance in the public domain following the downfall of the Taliban regime. Based on a twelve-month ethnographic fieldwork conducted in 2007 among different groups of women (women MPs, women's rights activists, female University Students) mostly based in Kabul, l study women's responses to various social anxieties that have emerged as a consequence of this new visibility. L argue that while the current 'reconstruction' project has opened new possibilities for women and created new imaginaries pertaining to their role in society, the ideological framework (i. E liberal notions of equality and human rights etc. ) on which it is grounded together with the strong military presence of foreign troops, have fuelled tensions at different levels of the Afghan society. Pressurized by their community to remain faithful to their 'culture', 'religion' and 'tradition' on one hand, and encouraged to access the public and become 'visible' by global forces on the other hand, women have been left with little choice but to adapt and find alternative ways to preserve a sense of autonomy. I describe these tactics as 'oppositional practices of everyday life' (De Certeau 1984), i. E complex practices of dissimulation which under the necessary appearance of compliance and conformity allow women to reconfigure social norms and create new spaces for themselves. More generally, this work engages with issues such as nationalism, Islam, gender, veiling, modernity, agency, rights and the public sphere.