Thèse de doctorat en Langue, littérature et civilisation française
Sous la direction de Arlette Bouloumié.
Soutenue en 2010
à Angers , dans le cadre de École doctorale Sociétés, Cultures, Echanges (SCE) (Angers) .
Comment se décline le thème de l'exil intérieur et extérieur chez un écrivain dont l'exil est atypique et dont l'oeuvre interroge un monde ou l'exil est devenu un phénomène atypique ? Ni dans son parcours d'écrivain cosmopolite, ni dans l'exploitation romanesque du thème, Milan Kundera n'envisage l'exil dans son acception consacrée, de dépossession, dislocation et souffrance. Sa signification va plutôt dans le sens d'une rupture assumée avec les totalitarismes divers, que ce soit dans leur acception politique ou anthropologique, induits par l'autre, par le monde moderne, par le mot ou par l'image. Chez Kundera, on constate la nature aléatoire des paramètres identitaires classiques : identité sociale, corporelle, continuité dans le temps, identification avec la langue, les racines et le passé. De surcroît, la relation à l'altérité se déroule sous la dynamique incessante d'un jeu de masques et de miroirs identitaires déformants. Kundera élargit ainsi la portée du dépaysement et porte un regard désabusé sur des concepts élégiaques, tels la nostalgie, le retour et le chez -soi. Pour retrouver son moi, le personnage kunderien accomplit un déplacement autant interne qu'externe. Il franchit des frontières existentielles dans l'espace, le temps et l'esprit et se découvre exilé de ses partis pris identitaires. Il retrouve partiellement la centralité de son moi dans ce qu'il pense phériphérique, et qui intériorisé, est pourvu de sens identitaire. Pourtant, l'identité et l'exil restent chez Kundera des sujets ouverts, car dans ses romans, toute démarche identitaire est à la fois ambivalente et individuelle, sans acquérir le sens d'un paradigme.
Milan kundera : identity in the test of exile on inner and outer borders
When the theme of internal and external exile is chosen by a writer whose exile is atypical and whose work questions a world where exile itself became an atypical phenomenon, what is the acquired meaning ? Neither as a cosmopolitan writer nor in his novels does Milan Kundera understand exile in its usual meaning of dispossession, dislocation and suffering. Its meaning evolves rather in the sense of an assumed break with various forms of totalitarianism, whether political or anthropological, inferred by the "other", the modern world, the words or the images. In Kundera's novels, one can perceive the random nature of the classic identical parameters : social identity, physical identity, continuity in time, identification with one's mother tongue, roots and past. Besides, the relation with "other" unfolds under the ceaseless dynamics of masks and warping identity mirrors. Kundera so widens the meaning of uprootedness and carries a disenchanted glance on concepts such as nostalgia, return and home. In order to find their "self", Kundera's characters achieve internal and external displacements. They cross existential borders in space, time and spirit and find themselves exiled from all theit identity clichés. They partially find the centrality of their "self" in what they think is peripheral, and which, interiorized, provides identity. Nevertheless, identity and exile remain an open subject in Kundera's novels, as any identity process is at once ambivalent and individual, without acquiring the sense of a paradigm.