Thèse soutenue

Archives biologiques et archives historiques : une approche anthropologique de l'épidémie de peste de 1720-1721 à Martigues (Bouches-du-Rhône, France)

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Auteur / Autrice : Stéfan Tzortzis
Direction : Michel SignoliIsabelle Séguy
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Anthropologie biologique
Date : Soutenance en 2009
Etablissement(s) : Aix-Marseille 2

Résumé

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Entre les années 1720 et 1722, Marseille ainsi qu’une partie de la Provence et du Languedoc, sont les victimes d’une tardive et non moins terrible épidémie de peste, maladie ô combien redoutée des populations du passé. Cette épisode, largement relaté et demeuré célèbre parmi les évènements importants de l’histoire de la cité phocéenne marque, en Europe occidentale, la fin de la seconde pandémie de peste, débutée vers le milieu du XIVème siècle. D’octobre-novembre 1720 à juin 1721, le mal venu par mer à Marseille depuis les Echelles du Levant touche la localité voisine de Martigues, cité aux trois paroisses historiques implantées au débouché de l’étang de Berre sur la Méditerranée. Si Martigues avait déjà connu des épisodes de surmortalité au début du XVIIIème siècle, conséquences d’une épidémie, peut-être de variole, en 1705, puis de la crise frumentaire et sanitaire engendrée par le Grand hyver de 1709-1710, les sept mois et demi de peste furent autrement plus meurtriers puisqu’ils privèrent la ville de près du tiers de ses habitants. La population de Martigues ne retrouva une importance équivalente à celle de la veille de l’épidémie que passées quarante années. Notre recherche consiste en une approche documentée de l’impact de cet évènement tragique, par l’exploitation de deux types de sources dont Martigues est particulièrement bien pourvue. Nous faisons référence ici à un abondant corpus d’archives communales, auquel il faut ajouter certaines sources imprimées anciennes, et à la documentation produite par l’étude archéothanatologique et anthropologique de deux ensembles funéraires directement en lien avec l’épisode épidémique considéré. L’un de ces sites, les tranchées des Capucins de Ferrières, a pu faire l’objet d’une fouille exhaustive réalisée en 2002 sous notre direction et a livré une série ostéo-archéologique correspondant à 208 individus. Au sein de notre approche générale, deux problématiques se prêtent particulièrement bien à faire l’objet d’une démarche dialectique, c’est-à-dire du croisement des données archivistiques et anthropologiques. Il s’agit d’une part de la gestion funéraire en période de surmortalité, prise en tant que révélateur des réponses adaptatives d’une communauté face à un sinistre qu’elle n’est pas ou très peu en mesure d’endiguer. Nous avons pu montrer que cette gestion avait été relativement efficace et maîtrisée dans un contexte d’urgence sanitaire, mais au détriment des pratiques conventionnelles de l’époque. Il s’agit d’autre part des particularités de la ponction démographique opérée par la peste sur la population martégale. Celles-ci plaident pour une non sélectivité des décès en fonction du sexe et de l’âge, à travers un profil de mortalité qui se distingue de la mortalité « normale » mais qui reflète en revanche la structure de la population vivante à la veille comme au sortir de l’épidémie.