Thèse soutenue

Approches psychométrique et cognitive des différences individuelles d'aptitudes : application à la sélection des élèves pilotes de ligne de l'ENAC

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Auteur / Autrice : Nadine Matton
Direction : Éric RaufasteStéphane Vautier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Psychométrie et psychologie cognitive
Date : Soutenance en 2008
Etablissement(s) : Toulouse 2

Résumé

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La thèse s'inscrit dans la problématique de la sélection psychotechnique des EPL à l'entrée de l'ENAC. La demande de l'ENAC est motivée (i) par une volonté de refondation d'un système de sélection qui avait peu évolué depuis sa mise en place dans les années 1980 et (ii) par une volonté de réduction du nombre d'échecs en formation des candidats sélectionnés. Notre analyse du système de sélection actuel a conduit à s'intéresser aux effets observés lorsque des candidats, après un premier échec au concours, passent les tests d'aptitudes cognitives à plusieurs reprises. En effet, dans la littérature les effets de retest, pour les situations à fort enjeu, se traduisent par une nette augmentation moyenne des scores entre le test et le retest. L'interprétation de cette augmentation soulève des questions à la fois théoriques et pratiques pour le système de sélection. Nous avons proposé que ces gains pouvaient être expliqués par une composante artéfactuelle unique, dénommée composante situationnelle. Nous avons testé avec succès un modèle postulant l'existence d'un facteur de changement latent, rendant compte de la différence de situations dans lesquelles se trouvent les candidats au test et retest (la situation comprend à la fois le contexte et l'interaction de l'individu avec ce contexte -e. G. , le degré de familiarité avec le test, le degré d'anxiété face au test). Le modèle testé s'ajustait bien aux données de test-retest recueillies auprès de 752 candidats ayant passé trois tests identiques entre 1998 et 2005. Par conséquent l'hypothèse de gains de scores purement artéfactuels, tout en conservant l'idée de la stabilité des aptitudes cognitives, est plausible. À partir des difficultés rencontrées par les EPL en formation pratique et des caractéristiques de l'apprentissage du pilotage, notre étude a montré qu'une dimension pertinente, mais non couverte par la batterie d'épreuves actuelles, était la capacité à s'adapter à des situations incertaines. La problématique de l'adaptation aux environnements incertains a été largement étudiée à partir des années 1950 sous l'intitulé général apprentissage probabiliste ou « MCPL » pour Multiple Cue Probability Learning (Brunswik, 1952 ; Smedslung, 1955). Les études MCPL consistent généralement à présenter une série d'essais de type stimulus-réponse-feedback avec un feedback entaché de bruit, construit en ajoutant un terme aléatoire, et les participants doivent apprendre la règle, probabiliste, qui lie les stimuli au feedback. Ces études ont généralement constaté d'importantes différences individuelles dans l'apprentissage de relations non parfaitement déterministes. Les candidats au concours EPL (filière S) sont pré-sélectionnés sur leurs compétences en mathématiques. Notre hypothèse était que de bonnes compétences en mathématiques ne sont pas nécessairement associées à une bonne capacité d'adaptation aux situations imprévisibles. Nous avons testé les réactions des candidats face à deux tâches d'apprentissage probabiliste. Nous avons effectivement observé différents profils d'apprentissage, qui ont été répliqués lors de deux études. Quatre groupes ont été identifiés, différents du point de vue de leur traitement de l'incertitude, bien qu'homogènes du point de vue de leurs habiletés mathématiques. De plus une proportion non négligeable de candidats (12%) s'est distinguée des autres par des performances particulièrement faibles, ce qui peut paraître surprenant étant donné que la relation à apprendre était une simple soustraction entachée d'une faible part d'aléa (8% de la variance totale à apprendre étant du bruit). Nous avons pu mettre les différences qualitatives de performance en relation avec les temps de traitement de l'information : les apprenants les plus rapides mettaient paradoxalement davantage de temps pour donner leur réponse que les non-apprenants, alors que les différents groupes identifiés ne se distinguaient pas par le temps de traitement du feedback. Les premiers indices quant à la validité prédictive de ce nouveau test sont encourageants.