Thèse soutenue

Caractéristiques et rôles de brokers de réseaux inerorganisationnels : Le cas des réseaux locaux d'organisations

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Auteur / Autrice : Elodie Loubaresse
Direction : Isabelle Huault
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de gestion
Date : Soutenance en 2008
Etablissement(s) : Paris 2

Mots clés

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Résumé

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Les réseaux locaux d’organisations (RLO) sont au cœur des réflexions managériales et académiques depuis plus de deux décennies (Becattini, 1979, 1990 ; Porter, 1998, 2000 ; Lorenzen, 2002). Les initiatives françaises récentes de Systèmes Productifs Locaux et de Pôles de Compétitivité ont ranimé les problématiques de gouvernance et de pilotage (Ehlinger, Perret et Chabaud, 2007 ; Josserand, 2007 ; Mendez et Bardet, 2008). Par pilotage, nous entendons la manière dont les activités du réseau local sont gérées. Nous étudions en particulier le pilotage par le mécanisme formel que constituent les acteurs « brokers » de réseau, acteurs en position d’intermédiaire en charge du pilotage (Winkler, 2006 ; Provan, Fish et Sydow, 2007). Ces réseaux interorganisationnels particuliers, en raison de l’homogénéité géographique et industrielle de leurs membres, constituent un champ d’étude pertinent du pilotage par des acteurs « brokers ». Ces derniers peuvent être approchés à plusieurs niveaux : individu, groupe ou organisation (Klein, Palmer et Conn, 2000). Nous retenons l’individu comme niveau focal d’analyse, quand la littérature lui a préféré, jusqu’à présent, le niveau organisationnel. Nous pensons qu’un changement de niveau d’analyse du pilotage de réseaux interorganisationnels sera riche d’enseignements, comme il a pu l’être pour d’autres concepts (Lorenzoni et Ferriani, 2008). Dans les réseaux locaux soutenus par des politiques nationales et des acteurs publics locaux, les brokers sont des individus rassemblés au sein d’une structure de pilotage (Lundequist et Power, 2002), elle-même souvent ancrée dans une organisation locale (Rosenfeld, 2001). Ces acteurs agissent en tant que brokers de réseaux interorganisationnels, au sens d’architectes, managers et garants du réseau (Snow, Miles et Coleman, 1992). Des rôles en termes de connaissances ou de traduction entre groupes (Malecki, 2002), de construction de la légitimité du réseau (Human et Provan, 2000) ou de développement local (Ginsbourger, Lefebvre et Pallez, 2006) apparaissent également. La littérature souligne que certaines caractéristiques des brokers sont associées à des rôles précis. La question de l’hétérogénéité des brokers n’est, toutefois, pas directement traitée par la littérature sur les réseaux interorganisationnels, qui s’intéresse principalement à l’hétérogénéité des firmes composant le réseau (Brass, Galaskiewicz, Greeve et Tsai, 2004). Seules quelques études empiriques font état de la variété des acteurs qui pilotent les RLO (Pommier, 2004 ; Ginsbourger et al. , 2006). Parmi les caractéristiques des brokers évoquées figurent leurs compétences (Chaston, 1995 ; Ceglie, 2003 ; Ginsbourger et al. , 2006), leur légitimité (Ginsbourger et al. , 2006), l’origine (Huggins, 2001) ou la composition de la structure de pilotage (Lundequist et Power, 2002). Pour cette recherche, deux catégories sont identifiées : les variables relatives aux brokers individuels et celles relatives à la structure de pilotage. Le cycle de vie du réseau (Chaston, 1995) est également intégré. La variété des rôles et caractéristiques des brokers de RLO pose question. Nous nous interrogeons donc sur l’influence des caractéristiques des brokers sur le pilotage des RLO. Pour étudier ce lien, nous avons mené trois études de cas (Eisenhardt, 1989 ; Eisenhardt et Graebner, 2007) de réseaux locaux d’organisations pilotés par des brokers aux caractéristiques variées. Une phase de recherche exploratoire, basée sur une dizaine d’entretiens, la participation à deux événements professionnels et une collecte de données secondaires, a tout d’abord permis de brosser les principaux traits du champ français des RLO. L’acuité de la problématique de recherche a pu être vérifiée. Une industrie française, au sein de laquelle plusieurs réseaux pourraient être comparés, a été identifiée : celle de l’emballage. Au CEPIEC (Bourgogne), à Packaging Valley (Champagne-Ardenne) et à Breizpack (Bretagne), nous avons conduit en tout une trentaine d’entretiens et collecté des données secondaires à des fins de triangulation (Yin, 2003). Les principaux résultats de cette recherche sont relatifs à l’influence des variables individuelles et collectives – relatives à la structure de pilotage – sur le pilotage. L’interaction entre ces deux blocs de variables est analysée en conclusion. Au plan individuel, ce travail met en évidence deux profils de brokers, généraliste ou spécialiste, et leur influence sur le pilotage du RLO. En outre, le réseau social des brokers apparaît tout d’abord comme une ressource pour leur pilotage. Les réseaux de pairs seraient également la source de pressions isomorphiques sur les actions des brokers. Ceci confirme la pertinence d’une personnalisation du pilotage des RLO. Si les rôles des brokers sont en partie prédéfinis, certains émergent aussi en fonction de leurs caractéristiques personnelles et du contexte. Le choix des brokers reste, tout de même, une variable stratégique pour les organisations qui hébergent ou soutiennent la structure de pilotage du RLO. Enfin, le type de pilotage évolue en fonction du cycle de vie du RLO, de généraliste, autour du rôle de broker de réseau, à spécialiste, autour des rôles de broker de connaissances et de traduction technique et culturelle entre groupes d’acteurs. Le profil des brokers serait donc un élément clé de cette dynamique. L’ancrage de la structure de pilotage apparaît, en outre, comme un atout pour un RLO nouvellement créé. Une fois le réseau institutionnalisé, cet ancrage pourrait toutefois se transformer en contrainte pour son développement ultérieur. L’organisation hébergeante, quand elle existe, peut empêcher le réseau d’évoluer au-delà de son périmètre d’origine. Cet ancrage aurait également des conséquences négatives sur la légitimité des brokers et du RLO. Ces derniers développeraient alors des stratégies pour la construire ou la préserver auprès d’un groupe d’acteurs, ici les industriels. Ainsi, les brokers sont tiraillés entre différentes parties prenantes, dont les partenaires publics. Ces derniers sont, par ailleurs, à l’origine de pressions isomorphiques sur leurs actions et sur l’échelle géographique du RLO. Le pilotage des RLO paraît donc soumis à différentes tensions. Les brokers conservent malgré tout une marge de manœuvre, puisque certains de leurs rôles restent émergents. Ils élaborent également des stratégies pour s’extraire des contraintes du contexte. Par cette recherche, nous contribuons à la littérature sur la gouvernance et le pilotage des réseaux interorganisationnels et locaux, ainsi qu’à celle consacrée aux brokers de réseau et aux acteurs intermédiaires, dans les organisations et les réseaux, en soulignant l’importance de leur profil. Des apports à la théorie des clusters industriels peuvent également être évoqués. Par ailleurs, des préconisations en termes de recrutement et de gestion des brokers de RLO peuvent être formulées à partir de ce travail. Les limites de cette recherche tiennent aux caractéristiques industrielles et nationales des cas étudiés. En effet, les spécificités du contexte institutionnel français des RLO marquent fortement nos résultats. D’autres contextes mériteraient, par conséquent, d’être étudiés.