Thèse soutenue

Régulation du métabolisme du tryptophane et comportement : implication de la kynurénine
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Auteur / Autrice : Jean Vignau
Direction : Michel Imbenotte
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences. Psychiatrie d'adulte
Date : Soutenance en 2008
Etablissement(s) : Lille 2

Résumé

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Notre travail s'inscrit, de manière générale, dans une lignée de travaux qui tentent d'établir le rôle essentiel de la neurotransmission sérotoninergique centrale dans les mécanismes de divers troubles psychopathologiques. En deçà et au-delà des phénomènes de communication nerveuse proprement dits (reconnaissance et fixation du messager chimique aux récepteurs transmembranaires, transduction du message, régulation de l'expression et de l'activité des récepteurs), les aspects métaboliques revêtent une importance stratégique dans la modulation des processus nerveux et la régulation du comportement. Ces aspects métaboliques incluent, d'une part, l'équipement enzymatique catalysant les diverses étapes de synthèse et de dégradation des composés neuroactifs, et d'autre part, le dispositif de transport permettant l'approvisionnement en précurseurs biochimiques et la recapture de certains métabolites. Au coeur des aspects métaboliques des systèmes de neuromodulation, le tryptophane (Trp), tient une place particulière. Cet acide aminé essentiel est en effet le précurseur biochimique à la fois de la sérotonine (5-hydroxytryptamine ou 5-HT), l'une des principales monoamines synthétisées par le neurone, et de différents composés neuroactifs produits et/ou stockés, puis libérés par le tissu glial, à savoir la kynurénine (Kyn) et ses dérivés. Le Trp étant le plus rare des acides aminés de l'organisme, ces deux voies de synthèse sont ipso facto en concurrence l'une avec l'autre ainsi qu'avec les processus de synthèse protéique. Nous avons choisi d'étudier l'influence des fluctuations de la balance d'utilisation du Trp sur le comportement humain lors de diverses situations d'exposition à des facteurs de variation de nature pharmacologique, toxicologique ou nutritionnelle. Dans un premier temps, la technique analytique de quantification simultanée du tryptophane et de la kynurénine (chromatographie liquide haute performance) a été introduite dans le laboratoire de toxicologie analytique au sein de l'équipe d'accueil EA 2679 de l'Université de Lille 2 à l'occasion d'un premier travail psychopharmacologique sur les états de dépression de l'humeur induits par traitement interféron alpha. Reprenant les travaux de Maes et coll. , nous avons étudié l'impact de ce traitement sur la synthèse de kynurénine parallèlement à la mesure des scores à des échelles de dépression et d'anxiété chez des patients traités pour hépatite C chronique. Ces résultats s'inscrivent dans un courant de pensée qui voit dans la dépression le prototype d'un état motivationnel ayant une visée adaptative. En réponse à une agression, le système immunitaire pourrait peser sur la régulation du comportement en induisant une réduction de l'activité locomotrice et sexuelle, et des perturbations de l'appétit et de la vigilance. L'ensemble de ces manifestations présente de nombreux points communs avec les états dépressifs rencontrés en clinique. Ce phénomène pourrait s'expliquer par l'impact des cytokines sur le métabolisme du Trp (production de kynurénines et dérivés par induction enzymatique de l'indoleamine 2,3-di-oxygénase IDO par l'interféron gamma et les cytokines pro-inflammatoires). Parallèlement, notre principale voie de recherche s'est orientée vers l'étude de mécanismes physiopathologiques de troubles comportementaux et cognitifs induits par l'alcool. Dans le prolongement des hypothèses émises par Badawy et coll. , nous avons exploré l'implication de la voie des kynurénines dans l'apparition de certains troubles induits par la prise d'alcool, associant, en l'espèce, comportement violent et amnésie postcritique (notion d'ivresse pathologique ou IP). Le constat d'importantes différences interindividuelles dans la susceptibilité des personnes à présenter des IP nous a conduits à étudier l'impact de certaines variations génotypiques sur la modulation de la réponse de l'organisme à la prise d'alcool. En particulier, nous avons tenté de mettre en évidence le rôle de plusieurs polymorphismes de deux gènes clés de la régulation du métabolisme du Trp, à savoir (1) le gène TDO2 encodant l'une des enzymes catalysant l'étape limitante de la synthèse de kynurénine (tryptophane 2,3-dioxygénase ou TDO) et (2) le gène SLC6A4 encodant le transporteur de la sérotonine (5-HTT). Sur le plan fonctionnel, nous avons comparé les cinétiques d'induction de la synthèse de kynurénine circulante par un test de charge en Trp (50 mg/kg), et nous avons mis en évidence au quinzième jour de sevrage en milieu contrôlé que le groupe des sujets avec antécédents d'IP a présenté une réponse en moyenne plus précoce que celui des sujets exempts de ces mêmes antécédents. Enfin, différentes données concernant les états dysphoriques accompagnant les situations de dénutrition et d'hyperactivité dans l'anorexie mentale nous conduisent à émettre une « hypothèse kynuréninique », que nous avons commencé à tester et dont les premiers résultats seront également exposés en discussion. Notre travail a permis de confirmer le rôle central du métabolisme du tryptophane dans la médiation de messages afférents de nature immunitaire, toxicologique ou nutritionnelle vers le système nerveux central et dans les mécanismes de modulation du comportement en réponse à ces messages. Par ailleurs, pour ce qui concerne la prospective de recherche, ces résultats nous ont encouragés à développer une nouvelle thématique dirigée vers l'étude de gènes clés du métabolisme du Trp en relation avec le comportement