Thèse de doctorat en Océanologie biologique et environnement marin
Sous la direction de Éric Feunteun.
Soutenue en 2008
à La Rochelle .
La dispersion est l’un des processus les plus impliqués dans la persistance et l'évolution des espèces. Les anguilles, dont l’évolution et la radiation du genre se sont faites au cours de l’expansion géographique des zones tropicales aux zones tempérées, sont remarquables en terme de capacité de dispersion de leurs larves leptocéphales. Celles-ci peuvent parcourir plusieurs milliers de kilomètres pour atteindre les aires de croissance côtières, estuariennes ou continentales, d'où les adultes s'échappent pour rejoindre les zones de pontes océaniques tropicales, se reproduire et mourir. Cette thèse a examiné les capacités de dispersion larvaire des anguilles au travers de l'étude des traits d'histoire de vie, et leur potentielle contribution à l'évolution du genre. Trois espèces ont été particulièrement étudiées : l'anguille tropicale mozambicaine A. Mossambica, la plus ancienne, se distribue uniquement dans le sud-ouest de l'Océan Indien; l'anguille tropicale A. Marmorata la plus récente, possède la plus vaste aire de répartition et est la plus fortement structurée; l'anguille tempérée Européenne A. Anguilla, la plus récente, réalise les plus grandes dispersions. La plasticité des traits de vie s’est avérée importante à l’échelle spécifique. Néanmoins, l'élasticité intra-spécifique des capacités de dispersion a montré des limites qui ont pu induire la ségrégation spatiale et/ou temporelle des boucles de migration, contribuant ainsi potentiellement à la radiation du genre Anguilla. La grande diversité des histoires de vie a permis de mettre en évidence le fort potentiel de résilience des larves d'anguilles face aux changements de leur environnement. Il est proposé que ce potentiel ait pu promouvoir la persistance des espèces, particulièrement les espèces tempérées, lors des changements climatiques et océaniques passés. Néanmoins, la réactivité de la plasticité des traits de vie et donc la persistance des espèces est questionnée au regard de la soudaineté du changement global annoncé.
Early-life histories and larval dispersal of anguillid eels : toward a bio-evolutionary approach
Among life-history processes that contribute to life-histories diversity, dispersal is probably the most important one involved in both species persistence and evolution. Anguillid eels are famous fish species for the huge dispersal capacities of their leaf-like transparent larvae. These leptocephali can indeed cross hundreds of kilometres to reach growth habitats from which adults escape to return to natal waters in tropical areas to spawn and die. This migration loop is thought to have first occurred entirely in tropical marine waters and progressively enlarged toward temperate areas. This work examined the larval dispersal capacities of eels through the study of larval traits and their contribution to the evolution of the genus through speciation along with range expansion. Emphasis was made on three species: the tropical eels Anguilla mossambica and A. Marmorata, and the temperate European eel A. Anguilla. Plasticity of traits was proposed to have generated the observed larval life-histories diversity, which, supported by environmental conditions could have favoured specific range expansion. However, intraspecific dispersal elasticity displayed limits that might have induced temporal and/or spatial segregation of migration loops that subsequently formed new species. Nevertheless, the variability of dispersal capacities recorded in each species evidenced a high potential of resilience in face of environmental changes. This is proposed to have supported species persistence during past climate and oceanic changes. However, the unknown reactivity of the dispersal plasticity is questioned in regard to the suddenness of the forthcoming global change.
Cette thèse a donné lieu à une publication en 2011 par [CCSD] à Villeurbanne
Histoires de vie larvaire et dispersion des Anguillidae : vers une approche bio-évolutive