Thèse soutenue

Dynamique des représentations et des pratiques langagières en milieu plurilingue : le cas des jeunes, vivant dans un banga, à Mayotte

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Auteur / Autrice : Josy Cassagnaud
Direction : Foued Laroussi
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences du langage
Date : Soutenance en 2007
Etablissement(s) : Rouen

Mots clés

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Résumé

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Cette thèse traite des pratiques langagières des jeunes adolescents mahorais en milieu plurilingue. L'échantillon choisi porte sur 22 adolescents vivant dans un banga, petite case construite par ces jeunes, au moment de l'adolescence, suivant des rites de passage très précis. Mayotte est une île, située dans l'Océan Indien, faisant partie géographiquement des Comores. La population est composé de trois catégories raciales (africaines, asiatiques et méditerranéennes) et de trois familles linguistiques (bantoue, sémitique et malayo-polynésienne) représentant des processus d'acculturation et d'assimilation qui intégrèrent plusieurs groupes exclusifs dans une manière de vivre mahoraise. La situation linguistique actuelle de Mayotte est le résultat d'un peuplement multiple, sans compter que cette île est française depuis 1841. Deux langues de tradition orale prédominent localement (le shibushi et le shimaoré) et cohabitent avec la langue française. En effet, Mayotte, contrairement aux trois autres îles de l'archipel des Comores, compte une deuxième langue maternelle d'origine sakalave du nord de Madagascar. Ce parler comporte deux variantes le kibushi-kimaore et le kiantalaoutsi. Le shibushi est parlé dans une dizaine de villages alors que le kiantalaoutsi est parlé seulement dans deux villages et dans la banlieue proche de Mamoudzou. Le français, langue de la colonisation, est la langue des administrations et de l'école et il existe beaucoup de problèmes sociaux-culturels à son apprentissage. Mal maîtrisé, il est à l'origine de nombreux échecs scolaires même si les représentations à son égard sont en train de changer compte-tenu de son poids sur le marché linguistique: en effet il n'est plus perçu comme langue coloniale ou langue qui rendait ''kafir'', infidèle mais il est devenu ''la langue du pain'', celle qui permet de trouver un travail. Les jeunes de cette enquête ont recours aux langues locales surtout dans le cadre familial et au sein du groupe de pairs. Les langues locales, shimaoré et shibushi, jouent alors deux fonctions : une fonction intégrative et une fonction identitaire - une fonction intégrative dans la mesure où la pratique de la langue locale permet d'affirmer son appartenance un groupe. Quand bien même les jeunes interrogés manifestent un certain attachement aux langues locales et plus singulièrement à leur langue maternelle, il n'en demeure pas moins qu'ils sont unanimes à reconnaître qu'ils ne peuvent pas se passer de la langue française. D'ailleurs, ils notent une perte de vocabulaire dans les langues locales et des emprunts de plus en plus au français. Comme dans les cités, les banlieues françaises, on note la présence de la ''langue des jeunes'' la ''langue des branchés'', dans les quartiers urbains de Mamoudzou, la capitale de Mayotte, et qui commence à se généraliser dans les villages de brousse. L'alternance des langues se fait de façon phatique, cryptique et ludique. Ce phénomène de ''parlers jeunes'' est observable aussi dans les pays africains, Madagascar, La Réunion, etc. On note également l'apparition de la langue texto avec l'engouement pour le téléphone portable, les jeunes privilégiant le français aux langues locales non standardisées. Le français est devenu la langue de la modernité. Si le français est mal maîtrisé, il reste un élément très important de leur répertoire linguistique, il est devenu aussi la langue des émotions puisqu'il est privilégiée dans les lettres d'amour. Cette situation linguistique diglossique reste complexe et du chemin reste à parcourir pour que la politique linguistique permettent un plurilinguisme équilibré et œuvre pour la sauvegarde des langues locales en péril face à la tendance hégémonique du français