Thèse de doctorat en Médecine. Science-Technologie-Santé. Santé publique
Sous la direction de Pierre-Marie Preux et de Michel Strobel.
Soutenue en 2007
à Limoges , en partenariat avec Université de Limoges. Faculté de médecine et de pharmacie (autre partenaire) .
L'épilepsie est une maladie neurologique chronique qui concerne tous les pays du monde. Il y a peu de données épidémiologiques sur cette maladie en Asie. Des enquêtes porte-à-porte montraient une prévalence variant de 3,6 à 10,7‰. La prise en charge est très différente entre les pays pauvres et les pays plus avancés dans la région. La République Démocratique Populaire du Laos (RDP Laos) est un pays pauvre et enclavé d’Asie du Sud-est, souffrant de conditions d’hygiène et d’accès aux soins de santé assez précaires. Nous avons conduit un programme de recherche sur les différents aspects de l’épilepsie, en menant successivement plusieurs types d’études : 1) Une étude transversale de prévalence de l’épilepsie active. La prévalence de l'épilepsie en RDP Laos est supérieure à celle de certains pays voisins, bien que nettement moins élevée qu’en Afrique ou qu’en Amérique latine. Dans l’enquête porte-à-porte au district Hinheub, 277 cas suspects d’épilepsie ont été identifiés parmi 4 310 sujets interviewés; 33 cas d'épilepsie active ont été confirmés par un neurologue expérimenté lors de visites de confirmation au village. La prévalence calculée était de 7,7 pour mille habitants (95%IC : 5,3-10,7). 2) Une étude cas-témoins sur les facteurs de risque. Un antécédent de traumatisme crânien (OR=4,7 ; p<0,05), un antécédent familial d'épilepsie (OR=12,8 ; p=0,03), et l'utilisation des engrais humains dans les potagers (OR=4,9 ; p=0,04) étaient significativement associés à l'épilepsie. La séroprévalence de cysticercose était 4,8% dans la population générale, similaire à celle documentée au Vietnam voisin. Par contre, aucun patient n’avait un résultat sérologique positif. Ceci peut-être lié avec le tabou de porc chez des patients atteints d’épilepsie (PAE). 3) Une étude transversale sur les croyances, les attitudes et pratiques. Beaucoup de villageois (57,2%), patients (38,5%) et leur familles (51,8%) croyaient que l'épilepsie était contagieuse : en consommant du porc ou en touchant la salive de PAE. Ils décrivaient aussi l'épilepsie comme un châtiment d’origine surnaturelle. Ces croyances menaient à l'exclusion sociale. 4) Une étude transversale sur l’anxiété et la dépression liées à l’épilepsie. Des PAE, surtout en zone rurale, avaient des scores d’anxiété et de dépression plus élevés que la population générale (p<0,001). Les patients bien entourés et conseillés par leurs proches étaient significativement moins déprimés que les autres. 5) Enfin, nous avons mené un projet de traitement communautaire en collaboration avec l’hôpital du district. Le phénobarbital mis à disposition gratuitement à l'hôpital du district a été bien apprécié par les patients et leurs familles. Pour les autres patients suivant le traitement, les crises ont diminué nettement en gravité et en fréquence (de 3,5 à 0,3/mois, p<0,001). La compliance au traitement semble être une difficulté majeure dans le cadre d’un district rural pauvre et isolé. Ces différentes recherches ont contribué à améliorer les connaissances scientifiques de base sur cette affection qui n’avait jamais fait l’objet d’aucune étude au Laos. De plus, elles pourront être utiles pour mettre en place un programme national contre l’épilepsie qui manque actuellement dans ce pays.
Epilepsy in Lao Popular Democratic Republic
Epilepsy is a ubiquitous, chronic, neurological disease. It causes physical and psychological sufferings for patients and their family, and also has important socio-economic consequences. It is a neglected disease according to most experts. The Lao Popular Democratic Republic (Lao PDR) is a developing Asian country, with poor general hygiene and health care accessibility in several areas. We carried out a research program that included different studies: 1) “Door-to-door” survey to estimate the prevalence of active epilepsy. The prevalence of epilepsy in Laos is higher than prevalences in some close countries, athough it is lower than prevalences in subsaharan Africa and South America. We conducted a door-to-door screening in the Hinheub district, Vientiane province. A total of 277 cases suspected of epilepsy were identified among 4 310 interviewed subjects; 33 people with active epilepsy were identified; the calculated prevalence was 7. 7 cases per thousand inhabitants (CI 95%: 5. 3-10. 7). 2) Case-control study on epilepsy risk factors. A history of head injury (OR=4. 7; p<0. 05), familial epilepsy (OR=12. 8; p=0. 03), and using of human feces to fertilize the domestic gardens (OR=4. 9; p=0. 04) were significantly associated with epilepsy. The seroprevalence of cysticercosis was null in the epilepsy group and low (4. 8%) in general population; the last is similar to those from the neighboring countries Vietnam or Thailand. 3) Analytic cross-sectional study on beliefs, attitudes and practices (KAP). The misunderstandings about epilepsy represent a major obstacle for epilepsy management and access to care in Lao PDR. Many villagers (15. 7%), patients (25. 9%) and patient’s relatives (37. 3%) described epilepsy like a supernatural punishment. Moreover, 44. 0% of the population thought that saliva could transmit epilepsy and 15. 7% of patients had been prohibited or discouraged from sharing meals. 4) Analytic cross-sectional study on the anxiety and the depression related to epilepsy. Patients with epilepsy, especially those inhabited in rural areas, had higher anxiety and depression scores than general population (p<0. 001). Patients who used to receive advices from their relatives and neighbors were significantly less depressed. 5) Treatment project in collaboration with the Hinheub district hospital. The treatment with phenobarbital was distributed free of charge in the district hospital and was much appreciated by patients and their care-givers, although full compliance was poor (22%). Seizures rate was clearly improved (from a mean 3. 5/month to 0. 3/month, p<0. 001). There was a high rate of lost to follow up, with only 56. 8% patients still followed-up, and only 42. 9% of them have fully respected the two-month appointment schedule. All these activities add basic scientific knowledge on several aspects of the disease, and are useful to build up a national program against epilepsy, which is currently lacking in Laos and is strongly advocated. Health education, capacity-strengthening program, advanced vocational training interventions, and improvement of drug supply would be the first actions to carry out.