Thèse de doctorat en Médecine : immunologie de la transplantation
Sous la direction de Laurent Martin.
Soutenue en 2007
à Dijon .
Après transplantation d’organes, le rôle de l’immunité humorale a probablement été sous-estimé. Une réponse humorale est détectée maintenant au cours de 25 à 30% des rejets aigus survenant après transplantation rénale. Les anticorps pourraient être par ailleurs le principal facteur immunologique à l’origine du rejet chronique. La présentation directe et la polarisation de la réponse immunitaire sur son versant Th2 sont des facteurs importants pour la production d’anticorps. Ces 2 mécanismes auraient aussi des vertus tolérogènes. Il nous a donc semblé intéressant de chercher d’une part, en transplant rénale humaine, des stigmates d’activation humorale (anticorps, C4d et plasmocytes) directement dans le transplant, au cours du rejet chronique et d’apprécier d’autre part, dans un modèle de rejet chronique chez le rat (Ficher/Lewis) la production d’anticorps anti-donneur et les capacités de l’injection de cellules dendritiques allogéniques à moduler cette réponse humorale. Nous avons montré, sur des fragments corticaux congelés provenant de pièces de transplantectomies rénales, que des anticorps anti-donneur peuvent être élués de fragments dont la taille est équivalente à celle des biopsies à l’aiguille pratiquées dans le suivi des transplantés. La fréquence de détection des anticorps anti-donneur était comparable à celle observées avec des fragments de grande taille (50 à 70% des transplants). La distribution a peu près équivalente des anticorps dans le cortex et la médullaire (concordance dans 75% des cas), nous a permis de réaliser une étude sur des biopsies séquentielles du transplant rénal pratiquées chez 10 receveurs ayant présenté un dysfonctionnement chronique. Les résultats montrent que la présence de dépôts de C4d au niveau des capillaires péritubulaires sont associés aux anticorps anti-donneur circulants et/ou fixés sur le transplant ainsi qu’à un infiltrat inflammatoire riche en plasmocytes (>5% des éléments inflammatoires mononuclées). Ces résultats suggèrent que les plasmocytes pourraient être in situ une source d’anticorps anti-donneur. Une injection unique à des rats Lewis (RT1l) de cellules dendritiques spléniques OX62+ provenant de rat Fischer (RT1lvl) entraîne dès J7 une réponse humorale anti-donneur mise en évidence par des cross matches réalisées avec les cellules du donneur. Le marquage ex vivo des cellules dendritiques avec un traceur fluorescent (PKH-26) a permis ensuite de localiser ces cellules au niveau du thymus et des organes lymphoïdes secondaires (ganglions lymphatiques et rate). Ce chimérisme lymphoïde est durable (J45) et ne dépend pas de la dose de cellules dendritiques injectées (2. 106 versus 5. 106). En revanche, l’injection de cellules dendritiques spléniques allogéniques OX62+ sous couvert d’anticorps anti-CD4 non déplètant à des rats Lewis abolit cette réponse humorale (cross-matches négatifs). Après avoir validé une technique d’élution acide sur des biopsies de petite taille, nous avons montré et confirmé que des anticorps anti-donneur sont présents au sein de 50 à 70% des transplants rénaux développant un rejet chronique. Ces résultats démontrent qu’une réponse humorale dirigée contre les antigènes du complexe majeur d’histocompatibilité est associé à une majorité des rejets chroniques survenant après transplantation rénale. La recherche d’anticorps anti-HLA et non-HLA, sur des biopsies précoces du transplant rénal, va nous permettre de préciser la cinétique et la pathogénie des anticorps au cours du rejet chronique survenant après transplantation rénale. Dans notre modèle expérimental, la mise en évidence d’un chimérisme et l’inhibition de la réponse humorale anti-donneur après injection de cellules dendritiques spléniques allogéniques OX62+ sous couvert d’anticorps monoclonaux anti-CD4 sont encourageants. Nous devons maintenant vérifier in vivo si ce protocole induit une tolérance vraie et empêche le développement de lésions de rejet chronique.
Identification and localisation of anti-MHC donor-specific antibodies during chronic rejection of human renal transplants and after injection of donor-dendritic cells in rats
The role of humoral immunity, after organ transplantation, has long been underestimated. A humoral response is associated with 25 to 30% of acute rejection episodes in renal transplantation. Furthermore, antibodies might be the main immunological factor triggering chronic rejection. The indirect pathway of presentation and the Th2 immune response are important mechanisms leading to antibody production. Both mechanisms could also be involved in tolerance induction. In this study, markers of humoral activation (antibodies to HLA donor antigens, C4d and plasma cells) were directly detected in renal transplants during chronic dysfunction. The ability of allogeneic splenic dendritic cell infusion plus anti-CD4 to modulate the humoral response was also assessed, in a chronic rejection model (Fischer to Lewis rats). We showed that donor-specific antibodies can be eluted from frozen cortical samples of renal transplantectomies, that are as big as needle core biopsies carried out during recipient follow-up. The rate of detection with these small samples was similar to that of larger samples (50 to 70% of the transplants). As antibodies were quite equally distributed between the cortex and the medulla (agreement in 75% of the cases), donor-specific antibodies, C4d deposits and plasma cells were detected in sequential graft biopsies from 10 recipients with chronic dysfunction. Results showed a relationship between C4d deposits in peritubular capillaries, donor-specific antibodies and plasma cell-rich infiltrate. These results suggest that plasma cells could be an in situ-source of donor-specific antibodies. A single injection of OX62+-splenic dendritic cells from Fischer rats (RT1lvl), into Lewis recipients (RT1l), entails an anti-donor humoral response as early as D7. It was demonstrated with cross-matches performed with lymphocytes from the donor. Allogeneic dendritic cells, stained ex vivo with PKH-26 were then localised in the thymus and in secondary lymphoid organs (lymph nodes and spleen). This lymphoid chimerism is stable over time (until D45) and does not depend on the dose of dendritic cells (2. 106 vs. 5. 106). Interestingly, injection of OX62+ allogeneic splenic dendritic cells under the cover of non-depleting anti-CD4 antibodies into Lewis rats abolishes this humoral response (negative cross-matches). After validating the elution of antibodies from needle core biopsies, we confirm that donor-specific antibodies are fixed into 50 to 70% of renal transplants with chronic rejection. These results show that a humoral response against MHC antigens is associated with the majority of chronic rejection occurring after renal transplantation. We must now determine if donor-specific antibodies to HLA and non-HLA antigens can be detected in early biopsies before lesions of chronic rejection occur. In our experimental study, the demonstration of chimerism and the inhibition of the anti-donor humoral response after injection of OX62+ allogeneic splenic dendritic cells and anti-CD4 monoclonal antibodies are promising. We now have to check in vivo if this protocol induces tolerance and blocks the development of chronic rejection.