Thèse soutenue

Rôle structurant des exopolysaccharides dans un biofilm bactérien
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Auteur / Autrice : Élodie Lahaye
Direction : Olivier Sire
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Biologie
Date : Soutenance en 2006
Etablissement(s) : Lorient

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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Les biofilms bactériens colonisent des milieux très divers, terrestres ou maritimes et ont des impacts très importants dans les bio-transformations naturelles ou industrielles (bio-procédés), sur la santé et sur les installations industrielles (colonisation de conduites, corrosion…). Que leurs effets soient positifs ou négatifs, il est essentiel de comprendre leur dynamique de développement qui repose sur le principe de l’émergence, lui-même basé sur des interactions multiples entre un grand nombre d’individus : un biofilm se caractérise par un comportement de population et non par une somme de comportements individuels. Le biofilm de Proteus mirabilis, bactérie pathogène des voies urinaires chez l’Homme, présente une structuration spatio-temporelle unique. La stratégie de colonisation de cette bactérie repose sur l’alternance de phases de consolidation et de migration. Ces deux phases sont directement liées à l’alternance de deux phénotypes bactérien, migrant et végétatif, aboutissant à la formation de terrasses concentriques. Durant ces phases de migration ou swarming, la bactérie présente une grande motilité cellulaire de l’ordre de 30µm/sec, ce facteur constitue également une caractéristique de P. Mirabilis. Dans la plupart des biofilms bactériens, la dynamique de développement repose sur des médiateurs chimiques tels que des homosérines lactones ou des furanones. Dans le biofilm de P. Mirabilis de tels agents de communications intercellulaires ne sont pas retrouvés. Notre postulat est que des grandeurs physiques comme la viscosité, l’hydratation ou l’épaisseur du biofilm pourraient évoluer de manière périodique engendrant ainsi la synchronicité observée. Nous avons analysé la matrice extracellulaire du biofilm qui s’est révélée plus complexe que prévu puisque outre deux types d’exopolysaccharides (EPS) de poids moléculaires très différents, ont été identifiés des glycolipides phénoliques (PGL) et des concentrations significatives de glycine bétaïne. Au-delà des aspects structuraux, des propriétés d’auto-assemblage de EPS et des PGL ont été démontrées par différentes techniques microscopiques. Des mesures d’hydratation, de rhéologie et de calorimétrie (DSC) menés sur les EPS et le biofilm intact indiquent que ces propriétés semi-cristallines sont étroitement liées à l’activité de l’eau. Un bilan semi-quantitatif des transferts d’eau aux interfaces gélose / biofilm / atmosphère au cours d’une phase de migration a été établi en prenant en compte les pertes par évaporation, le coefficient de diffusion de l’eau dans le milieu gélosé et le gradient d’eau à l’interface gélose / biofilm. Il en ressort que l’arrêt périodique de la migration serait lié à la dilution progressive de la matrice extracellulaire à la périphérie du biofilm. Cet accroissement du taux d’hydratation déstabiliserait les assemblages supra-moléculaires faisant perdre ainsi à la matrice les propriétés visco-élastiques indispensables à la motilité cellulaire. L’entité multi-cellulaire, le biofilm, programmerait donc l’arrêt de l’expansion de la colonie via la biosynthèse d’exoproduits dont le comportement, au delà d’un seuil d’hydratation critique ne permettrait plus la migration. La cohésion du système multicellulaire, a priori incompatible avec l’expansion, serait donc ainsi maîtrisée. Plus globalement, le développement d’un biofilm, retraçant le passage du comportement individuel à celui d’une population, transition du simple au complexe, doit nous aider à mieux comprendre l’origine de propriétés émergentes des systèmes biologiques qui nécessairement dérivent de propriétés globales plutôt que locales.