Thèse de doctorat en Littérature et civilisation italiennes
Sous la direction de François Livi.
Soutenue en 2003
à Paris 4 .
A partir de 1865, la présence des névroses dans la littérature italienne devient topique. Ce phénomène coi͏̈ncide avec le développement de la psychiatrie et le triomphe de la pensée positiviste. Les écrivains sont très influencés par la science, qui renvoie la névrose, faute de pouvoir la définir, à la dégénérescence des hommes civilisés. Néanmoins, le traitement littéraire de la maladie est nettement plus novateur que celui des savants : les auteurs découvrent intuitivement la nature et le mécanisme des névroses en l'absence de toute référence à la psychanalyse - notre étude s'arrête en effet en 1922, avant que les théories freudiennes ne pénètrent la littérature. Maladie dépourvue de siège organique repérable, la névrose constitue un défi lancé au scientisme : les artistes exploitent sa vacuité sémantique pour explorer d'autres pistes de recherche que l'anatomie. Aussi le topos est-il riche et contrasté : il traverse les générations et les courants littéraires sans perdre de son efficacité. Si le traitement des scapigliati se révèle particulièrement avant-gardiste, niant à la chronologie toute valeur progressive, il existe toutefois une évolution générale qui porte à ne plus considérer le névrosé comme un malade substantiellement différent des personnes saines mais, au contraire, comme le fidèle reflet des instances invisibles mais non moins constitutives du moi. Les éléments archétypaux et topiques qui caractérisent la mode des névroses littéraires sont des expédients défensifs : la pathologie, au même titre que l'assignation des névroses à des catégories sociales bien déterminées (les artistes, les femmes, les aristocrates), sont des signes de réticence face à la subversivité de la découverte de l'inconscient. Au fil des années, les auteurs perdent leurs dernières illusions et avec Pirandello et Tozzi, la névrose investit définitivement la condition humaine, se présentant sous le signe d'une normalité redéfinie.
Neurosis in italian literature (1865-1922)
From 1865 neurosis became a major topos in Italian literature. This phenomenon coincided with both significant developments in psychiatry and the triumph of positivism. Writers were much influenced by science, which could not properly define what neurosis was, and therefore referred to it as a form of degeneration of civilised man. Yet men of letters were taking a far more innovative view of it than men of science. Authors were intuitively discovering the nature and mechanisms of neuroses, although with no help from psychoanalysis - the present study goes no further than 1922, thus covering a period when Freudian ideas had not yet begun to pervade literature. With its undiscovered physical location, neurosis represented a major challenge for scientists, while writers exploited its semantic vacuum in order to explore research tracks that would diverge from pure anatomy. The topos therefore became rich and multi-faceted, passing on through generations and different currents of thoughts while preserving its effectiveness. If writers of Scapigliatura showed to be avant-garde in their ignoring of any progressive value attached to chronology, there actually existed a general tendency among writers to no longer consider neurotics as mentally ill and substancially different from normality. For most of them, neurosis infact mirrored all those invisible instances that concur to constitute the ego. Archetypes and topoi that characterise the trend of literary neuroses are means of defence: both pathology and the link between neurotics and specific social categories (artists, women, aristocrats) are clear signs of reluctance towards the subversive discovery of the unconscious. As time went by, writers became disillusioned, and with Pirandello and Tozzi human condition embraced neurosis, which finally appeared under the light of a redefined normality.
Cette thèse a donné lieu à une publication
La nevrosi tra medicina e letteratura : approccio epistemologico alle malattie nervose nella narrativa italiana, 1865-1922