Thèse de doctorat en Littérature et civilisation russes
Sous la direction de Gérard Conio.
Soutenue en 2002
à Nancy 2 .
Dans la présente thèse, on analyse un paradoxe : le recours dans l'œuvre de l'avant-garde russe (par l'intermédiaire du symbolisme) à des cultures archaïques (chamanisme, " art nègre ", culture russe populaire) et à leur procédés artistiques (rites du renouvellement et de " création par destruction ", esthétique de la dissuasion, extase, tradition carnavalesque, rire populaire absurde, éléments ludiques et magiques, etc. ). La spécificité majeure du retour de l'avant-garde " aux sources " résidait dans des interprétations typiquement modernistes de l'héritage de cette " proto-avant-garde " et consistait en divers concepts : " sauvagisme ", " avenir à rebours ", " archaïsme russe ", " éparpillement " du monde. La fête archaïque du nouvel an a été choisie en tant que modèle principal de l'acte créateur avant-gardiste. Pour les novateurs, les évènements de 1917 représentaient une " révolution carnavalesque " anarchique ; bientôt politisée, l'avant-garde échangea les paradigmes archaïques de ses utopies contre l'idée d'un " archaïsme prolétarien ", inventée à des fins propagandistes, ensuite elle avança son " premier projet " de collaboration avec le régime : " reforgeage " de l'homme par le biais d'une primitivisation totale de la culture, recours aux mécanismes archaïques du choc esthétique et de la peur. L'évolution rapide du système à l'époque stalinienne força l'avant-garde à élaborer son " deuxième projet " supposant le passage de l'utopie de l'avenir à l'utopie du pouvoir et la reconversion de la culture de gauche en culture soviétique. Les anciens novateurs ont participé consciemment à la formation des principales " composantes archaïques " du réalisme socialiste : " folklore soviétique ", retour à l'" aura ", style " néoclassique ", mythe du héros En même temps, l'avant-garde clandestine, dans son défi au régime, s'appuyait sur l'archaïsme culturel national, sur les traditions populaires de résistance à la violence par le rire et par le grotesque absurde.
Archaic traits in the russian avant-garde, 1905-1941
This thesis analyses a paradoxe : the recourse in the Russian avant-garde work (through symbolism) to archaic cultures (chamanism, art nègre, popular Russian culture, or Church art) and their artistic procedures (rites of renewal, " creation through destruction ", aesthtic of dissuasion, ecstasy, carnival traditions, absurd popular laughter, playful and magical elements, etc. ). The outstanding feature of the avant-garde retourn " to sources " lies in the typically modernist interpretations of a " proto-avant-garde " heritage and consisted in different concepts : the " savagism ", the " futur in inverse ", " Russian archaism ", the " scattering " of the world. The archaic New Year was chosen as the main model for avant-garde creative act. For the innovators the events of 1917 presented an anarchic " carnivalesque revolution " ; soon politicised, the avant-garde exchanging the archaic paradigms of its Utopias adainst for the concept of " proletarian archaism ", invented for propagandist ends, then it forward its " first project " of collaboration with the regime : the 'reconstruction " of the human being through the total primitivisation of culture, the recourse to archaic mecanism of aesthetic shock and fear. The fast evolution of the system during the stalin period forced the avant-garde to develop its " second project " assuming the passage from Utopia of future to Utopia of power and the reconversion from leftist culture to Soviet culture. The former innovators consciously participated to the formation of the main " archaic elements " of Socialist realism : the " Soviet folklore ", the return to the " aura ", the " neo-classical " style and the myth of the hero At the same time, the clandestine avant-garde, in its challenge to the regime, relied on national cultural archaism and popular traditions of resistance to violence through laughter and grotesque absurdity.