Thèse de doctorat en Histoire
Sous la direction de Henri Bresc.
Soutenue en 2001
à Paris 10 .
En 1061, lorsque les Normands entreprennent la conquête de la Sicile, la population insulaire est majoritairement arabo-musulmane, même si la partie orientale demeure profondément hellénisée. Malgré ces difficultés, l'île s'offre comme un terrain de choix pour l'affirmation de la dynastie des Hauteville et la construction d'un pouvoir sans partage. Minoritaires tant d'un point de vue démographique que culturel, ces hommes du nord ont à faire face à un véritable défi. En quelques générations, le comte Roger et ses descendants réussissent à instaurer une royauté qui, pour durer, doit faire l'objet d'un consensus en Sicile même et jouir d'une reconnaissance à l'extérieur. Cette quête de légitimité, qui passe par la mobilisation des héritages latin, islamique et grec (byzantin) qui sont aussi bien ceux des conquérants que des conquis, fait de la Sicile un véritable laboratoire où sont mises à l'épreuve de nouvelles conceptions liées à la royauté. Ce problème politique se pose essentiellement en termes culturels. Comment dire, par exemple, le pouvoir politique dans un contexte trilingue ? Les Normands adoptent ici une position paradoxale. Utilisant le grec, le latin et l'arabe dans l'administration, ils se servent de ces idiomes autant pour reprendre à leur compte les deux traditions insulaires que pour tenir à distance leurs sujets. La référence religieuse n'est pas moins délicate à manier à une époque où la dimension religieuse est étroitement liée à la légitimation du pouvoir royal à Byzance, en Occident et dans les pays islamiques. De la fondation d'évêchés latins à la fin du XIe siècle, on passe à la promotion d'un milieu melkite (chrétien hellénophone et arabophone de Syrie) et mozarabe, puis à l'exaltation d'un monothéisme souple. L'échec de cette tentative unique qui associe trois traditions culturelles découle de l'écart qui se crée peu à peu entre des souverains dont l'identité culturelle mêle des éléments de plus en plus divers et des groupes culturels qui, entre effacement et résistance, ne se retrouvent guère dans cette convergence partielle et limitée au milieu de cour.
The Islamic element in Norman Sicily : cultural identities and construction of a new kingship
In 1061, when the Normans begin their conquest of Sicily, the insular population is for the main part of Islamic culture, even if the Oriental regions remain hellenized in depth. In spite of these difficulties, the island offers a perfect ground for the affirmation of the Hautevilles' dynasty and for the construction of an unshared power. Nonetheless, a representing a cultural minority Sicily, these men from the North face a real challenge. Within a few generations, Count Roger and his descent will set up a kingship which, in order to last, must be supported by a consensus in the island and be acknowledged legitimacy outside of it. Such a quest for legitimacy requires the mobilization of Latin, Islamic and Greek (Byzantine) legacies which belong to the conquerors and to the insular population. It transforms Sicily in a true laboratory where new conceptions linked to Kingship are tested. This political problem presents itself essentially in cultural terms. How can, for example, political power be expressed in a trilingual context ? The Norman adopt on this issue a paradoxical position. They use Greek, Latin and Arabic in their administration as much in order to resume with the insular traditions as in order to put distance between themselves and their subjects. Handling the religious reference is no less difficult at a time when the religious dimension is linked straightly to the legitimation of royal power, at Constantinople, as well as in Occident and in the Islamic countries. From the foundation of Latin bishoprics, they go on with the promotion of a Melkite (Christian Hellenophone and Arabophone from Syria) and Mozarabic milieu, ending up with the exaltation of a flexible monotheism. The failure of this unique attempt which associates three cultural traditions is due to the gap that appears little by little between kings whose cultural identity put together more and more diverse elements and cultural groups which, oscillating between disappearance and resistance, do not perceive much of themselves in this partial convergence, limited to the royal Court.
Cette thèse a donné lieu à une publication en 2011 par École française de Rome à Rome
Conquérir et gouverner la Sicile islamique aux XIe et XIIe siècles
Cette thèse a donné lieu à une publication en 2019 par École française de Rome à Rome
Conquérir et gouverner la Sicile islamique aux XIe et XIIe siècles
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