Thèse soutenue

Représentations romanesques et pensée d'une éloquence du corps au XVIIIe siècle : de l'abbé Prévost à Jean-Jacques Rousseau

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Auteur / Autrice : Charlotte Burel
Direction : Pierre Rétat
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Lettres modernes
Date : Soutenance en 2000
Etablissement(s) : Lyon 2

Mots clés

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Résumé

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Les romans du XVIIIe siècle font souvent adopter à leurs personnages un comportement que l'on a tôt fait de rattacher à l'existence d'une mode de la sensibilité. Les rougeurs, les tremblements, les évanouissements et les pleurs des personnages constituent un ensemble de manifestations physiques qu'il serait pourtant hasardeux de négliger, sous prétexte que ce sont des lieux communs de la littérature sentimentale. En effet, si l'on confronte les représentations romanesques du corps ému avec des écrits théoriques antérieurs et contemporains (en particulier dans le domaine de la rhétorique, mais aussi dans les écrits qui s'interrogent sur le théâtre ou la peinture), on constate que le corps parle, qu'il tient un langage chargé de valeurs idéologiques. L'omniprésence du langage du corps dans les romans de l'abbé Prévost, de Marivaux, de Crébillon fils et de Rousseau ne se comprend dans tous ses enjeux que si l'on compare les représentations romanesques et les théories qui envisagent le corps comme un système de signes : c'est le cas de la réflexion de Descartes, mais aussi des traités qui insistent sur le lien entre le corps et la rhétorique des passions, ou encore des pensées du langage d'action, chez Rousseau ou Condillac. En outre, parce que la question du langage du corps est inséparable d'une certaine conception de l'union de l'âme et du corps, la phénoménologie du corps de Sartre et de Merleau-Ponty nous permet de penser les manifestations du corps comme des comportements signifiants, et l'anthropologie moderne nous invite également à lire l'enchevêtrement du psysiologique et du symbolique dans l'expression de l'émotion. Ainsi, censé incarner une "nature" humaine qui dirait la vérité des sentiments, le corps romanesque apparaît cependant bien comme une fabrication poétique, qui obéit à un "art de parler" : prendre en compte les codes qui président à son expression selon un modèle transversal, c'est en même temps tenter de vérifier les actualisations de ce modèle sans oublier la spécificité des oeuvres littéraires.