Thèse de doctorat en Études anglaises
Sous la direction de Frédéric Regard.
Soutenue en 1999
à Saint-Etienne .
La poésie de David Gascoyne est ici étudiée dans son ensemble comme le lieu d'une crise. Par son ancrage historique (1932-1956 pour la plupart des textes), elle interroge donc l'imbrication de la culture et de la violence. La société, le corps et l'art sont les trois champs où se manifeste une crise de la différence et des fondements identitaires, d'où une tentative de régénération des signes. L'impureté, l'abjection et la transformation hypertextuelle, notions éminemment ambivalentes, sont les pivots d'une esthétique de l'exaspération, de la conversion, du retournement. Une telle démarche, qui s'appuie sur l'alchimie, la mythologie, l'histoire des religions et la psychanalyse, ne vise cependant pas à rassembler les fragments disjoints dans une somme cohérente organisée en fonction d'un code, mais à faire jouer l'illusion d'un secret grâce à des procédés visuels et acoustiques élaborés dès la période surréaliste de l'auteur. Les ambiguïtés foisonnent dans sa production ultérieure, où semble pourtant s'énoncer la quête d'une synthèse. Cette conception de la modernité fait du poème un dispositif et non le support d'une révélation, la multiplicité des interprétations ruinant le mythe de la lecture orthodoxe. L'activité métaphorique est mise à l'épreuve d'un procès de la différence : les références se juxtaposent sans trouver de moyen terme, et la substitution s'efface devant la dissemblance. Des lors, toute vision historique et spatiale est remise en question, et deux paradigmes se dégagent pour rendre compte des conflits à l'oeuvre dans cette poésie : le singulier et la mesure. Cette dialectique permet de comprendre l'unité paradoxale du projet gascoynien dans ses modalités esthétiques, éthiques, politiques et religieuses comme un travail de sécularisation qui arrache le texte à la mystique pour l'inscrire dans un circuit herméneutique
Revolution and revelation : a study of David Gascoyne's poetry
This thesis is a study of David Gascoyne's poetry in the light of a threefold crisis. Provided one takes into account its historical moorings (1932-1956 mainly), it questions the link between culture and violence. This crisis, which spreads to difference as the cornerstone of all codes of identity, is manifest in Gascoyne's view of society, art and the body, hence an attempt at regenerating signs. Impurity, abjection and intertextual transformation are the pivotal-albeit highly ambivalenttenets of a poetry based on conversion and reversal. However, this process, which is rooted in alchemy, mythology, religious history and psychoanalysis, does not so much aim at gathering a mass of dislocated fragments into a coherent system endowed with its own code as it displays the illusion of a unifying secret thanks to visual and acoustic devices already mapped out in the author's surrealist period. His later poems are fraught with ambiguities, however much they seem to reflect his quest for a cohesive synthesis. Owing to this conception of modernity, the poem turns out to be a mechanism rather than the locus of a revelation insofar as the interplay of interpretations undermines the myth of orthodox reading. All metaphorical devices are perverted by a process of differentiation, and multiple references are juxtaposed with no such thing as a common ground to unify them, so that ultimately, substitution is eclipsed by dissimilarity. As a consequence, all forms of historical and spatial perspective are challenged. In order to account for the conflictual aspects of Gascoyne's poetry, two paradigms can be derived from this process of differentiation-singularity and measure. Their dialectical relationship enables us to consider the paradoxical unity of David Gascoyne's poetry in terms of aesthetics, ethics, politics and religion as a process of secularization; indeed, the text is removed from the sphere of mysticism to partake in a hermeneutical network instead