Thèse de doctorat en Études chinoises
Sous la direction de Catherine Despeux.
Soutenue en 1997
à Paris, INALCO .
Les ouvrages fondateurs de la pensée taoi͏̈ste, et tout particulièrement le Zhuangzi et le Liezi sont des ouvrages qui présentent peu d'homogénéité quant à leur forme. Au fil des textes alternent et se succèdent discours abstraits et passages narratifs empruntés pour l'essentiel au fond mythique traditionnel. La présence de ces passages a souvent troublé les commentateurs. Reconsidérant le sens du discours mythique dans une perspective issue de courants de réflexion sur la nature de l'imaginaire qui ont mis en évidence l'aspect translogique du mythe et de l'image, nous avons émis l'hypothèse d'une identité entre le langage taoi͏̈ste et la pensée mythique ainsi envisagée. Dans un premier temps, nous nous sommes donc interrogés sur la nature du langage taoi͏̈ste en nous attachant tout particulièrement à la dimension signifiante des images mythiques. Patant d'une réflexion critique sur la nature du langage ordianire, le langage taoi͏̈ste se définit comme un langage opératoire, mouvant, qui affirmera potentiellement toutes les possibilités, et où les mots se définieraient davantage comme des noeuds de relations : c'est ce que nous avons désigné par langage du clair-obscur. Le discours mythique intégré à l'écriture taoi͏̈ste devient alors paradigme signifiant qui, s'offrant à la dimension de l'imaginaire, utilise le caractère translogique de l'image pour transcrire la vision taoi͏̈ste de la réalité. Ceci nous a permis d'identifier des paysages thématiques structurés autour de contraintes signifiantes our archétypes. Dans cette perspective, les métaphores mythiques ne peuvent plus être envisagées comme simples illustrations, allégories ou effets poétiques. Ce sont des actes sotériologiques, c'est à dire des actes équilibrants car compensateurs qui permettent de dépasser les limites de la réalité sensible, et donc un discours qui institue la non division du réel, à travers des sphères de représentation différentes qui peuvent et devraient être vécues intégralement.
Myth and Taoist philosophy : Myth archetypes in Taoi͏̈st "language of the twilight"
The presence of multiple narrative pieces drawn on Chinese mythic tradition in Taoism major groundwork (mainly in the Zhuangzi and the Liezi) has stood a source of difficulty to most of their interpreters, and often been neglected or even disregarded by commentators. Taking into account the translogical characteristics of myths and mythic images in general, we reconsider the role of mythic discourse in early Taoist philosophy. Paying attention to the use of mythic metaphors, we first investigate the nature of Taoist language. Based on a criticism of the so-called ordinary language, Taoist language can be regarded as a fluid and operative language, where the words should rather be understood as interaction nodes. This language, that we have referred to as the "language of the twilight", is able , escaping the linearity and limitations of the ordinary language, to express the flux of reality as well as the manifold of the possibilities. Assuming a structural kinship of mythic images and Taoist language, that both share translogical properties, we have identified and analyzed thematic frames organizing on structural constants or archetypes. This work shows that the mythic metaphors and narratives of the Zhuangzi and the Liezi cannot any longer be considered as mere illustrations, but in the scope of meaningful and accurate ways able to transcribe Taoist vision of reality completeness.