Thèse soutenue

Temps de la jeunesse, temps de la folie ? : désordre juvénile dans la société des XIVe et XVe siècles

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Auteur / Autrice : Sylvie Pouliquen
Direction : Joël-H. Grisward
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Littérature française
Date : Soutenance en 1987
Etablissement(s) : Tours

Résumé

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Dans la societe des 14e et 15e siecles, ont ete observees de veritables manifestations de "folie" collective, orchestrees principalement par les jeunes. Certes, ceux-ci trouvent dans des actes reprehensibles perpetres souvent en commun, ou la violence s'exerce pleinement, un moyen de combler des frustrations. En effet, les jeunes vivent une difficile periode d'attente, plus ou moins longue selon les sexes et les conditions : etape a franchir pour les filles qui, declarees aptes a procreer, sont rapidement orientees vers le mariage, le temps de jeunesse, passage oblige vers l'age adulte, s'etire d'une facon interminable entre 15-16 ans et 30 voire 36 ans en ce qui concerne les garcons ; cette situation precaire, qui ne prend fin qu'avec l'etablissement social, le mariage et son indispensable complement, la procreation, ne peut qu'engendrer un climat de tension. Cependant, demeurent des pratiques, qui ne peuvent etre directement imputables a l'insatisfaction ressentie, et qui restent bien specifiquement juveniles. Au sein d'un groupe d'age relativement organise, les jeunes se livrent, sur le mode du festif et du ludique, a des activites traditionnelles visant les domaines du religieux, du guerrier et de l'economique. Jouant un role apparemment de second plan, mais en fait reconnu indispensable et accepte par les adultes, la jeunesse semble etre, plutot qu'occupee a des divertissements frivoles, investie d'une mission : perpetuer des coutumes populaires immemoriales, deraisonnables mais porteuses d'une antique signification qui, peu a peu, sombre dans l'oubli. Inconcevable aux yeux des autorites, fort eloignees du vieux fonds de culture profane, le desordre juvenile est combattu en tant qu'atteinte grave a l'ordre bourgeois et monarchique. Est-ce a dire que la jeunesse medievale se veut contestataire ? en fait, il apparait que le bouleversement voulu par tous, anime par les jeunes, ne debouche sur aucune remise en question reelle des fondements de la societe : immuable, eminemment repetif, donc attendu et controle, il est introduit sous la forme d'inversions rituelles hautement symboliques. Ainsi, non seulement, en delivrant periodiquement les corps et les esprits, il ramene l'apaisement et justifie l'ordre etabli, mais de plus, comme reference a un passe (traditions) ou a un imaginaire utopie (pays de cocagne), il exprime l'immobilisme et non une volonte de progres social. Aux 14e et 15e siecles, le temps de la jeunesse est par excellence le temps de la "folie", au sens medieval du terme, c'est-a-dire somme toute tres conformiste en depit de ses apparences ; sous la livree du fou, se cache un sage bien debonnaire. . .