Thèse soutenue

Thomas Traherne poète de l'infini

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Auteur / Autrice : Marie-Dominique Garnier
Direction : Armand Himy
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : études anglaises
Date : Soutenance en 1987
Etablissement(s) : Paris 10

Mots clés

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Résumé

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L'idée d'infini est un concept charnière chez le poète Thomas Traherne (1637-1674), poète au sens large, puisque sont pris en compte ici, outre les poèmes connus, les essais en prose, ainsi que les textes inédits, en prose et en vers, du manuscrit récemment exhume de "commentaries of heaven". L’idée d'infini est exploitée non pas tant sur le plan cosmologique que comme métaphysique d'une part, technique d'écriture d'autre part. Le poète fait de l'espace intérieur, du sujet, le lieu de la perception d'une transcendance fondatrice du "je" en tant que relation a un "tu". De même que l'infini précède le fini, cette relation précède la constitution du "self". Le poète procède à une critique de la tradition plotinienne, à une déconstruction des thèmes du retour à l'un, de la procession, de l'émanation : à la rhétorique de l'expansion, de l'effacement des frontières, Traherne substitue une écriture faite de ruptures, d'inachèvements, occupée à toujours redire ou dédire, d'où l'apparente médiocrité de ce style. L’écriture, en rupture avec l'indéfinitude d'un monde immanent, clos sur ses antiques certitudes, n'est plus le propre de l'un, mais de l'autre, divin ou humain, partenaire d'un dialogue. L’infini fonctionne chez lui selon deux orientations majeures : indéfinitude néo-platonicienne, jaillissement d'une source qui ne s'épuise pas, mais aussi face-à-face avec un autre que ne limite pas l'un, avec un invisible, dieu, Susanna Hopton, frère ou monde imaginaire - que rien ne rend visible. Deux techniques d'écriture s'affrontent, qui jamais n'atteignent a la cohérence : celle du "je", celle du "tu". Traherne est l'un des pionniers d'une écriture moderne, interprétable sur les traces de ses contemporains hébraïsants, l'évêque Joseph Hall ou le cardinal Bellarmin, comme sur celles de philosophes modernes comme Martin Buber ou Emmanuel Levinas. Les maladresses et incohérences de son style sont interprétables comme les symptômes d'une révolution de l'écriture, comme la fin d'un art de représenter, art fini. À l'espace centre de l'ontologie néo-platonicienne Traherne substitue une conscience de soi non pas egocentrique mais elliptique, dédoublée : scission interne qui n'appelle pas une poésie du plein, mais du manque, de l'intervalle, de l'infini en tant qu'incohérence, poésie de l'autre.