Thèse de doctorat en Histoire
Sous la direction de Jean Delumeau.
Soutenue en 1986
à Brest .
Arès une expansion particulièrement remarquable dans la seconde moitié du 17e siècle, Brest continue à grandir au 18e : plus de 20 000 habitants vers 1720, près de 35 000 en 1789. Cette croissance, comme dans la majorité des villes de l'époque, s'explique par l'immigration, venue du Bordelais, de Normandie, région de Paris, mais aussi de l'Est de la France : peut-être des soldats s'établissant dans la ville et occupant des emplois peu prisés par les bretons. C'est autour de l'arsenal que tourne toute l'activité économique d'une ville incontestablement dominée par les constructions navales : en 1789 plus de 5000 personnes y travaillaient alors que l'artisanat indépendant représentait moins de 1000 brestois. Plus de la moitié des habitants de la ville appartenait donc au secteur secondaire, l'arsenal tenant ici la place des grandes manufactures royales et ses ouvriers connaissant un début de prolétarisation. Ville nouvelle, colonie française en terre bretonne, Brest n'en est pas moins aussi une ville d'Ancien Régime et quelques uns des traits caractéristiques de celles-ci s'y retrouvent. L'âge au mariage des hommes semble aussi tardif que dans les autres grandes villes françaises, 28 ans au moins ; par contre, en ce qui concerne les femmes, il se pourrait qu'il soit inférieur à 25 ans, ce qui est relativement jeune à l'époque. Quant à la fertilité, elle correspond à celle des autres bretonnes. Le plus important, c'est cependant la présence obsédente de la mort dans une ville où de nombreuses épidémies vont scander tout le siècle et où la mortalité infantile à Recouvrance (quartier populaire de la ville) dépassait 25 000 à la fin du siècle. Ville pauvre aussi, et pour payer l'impôt il a fallu faire appel à de plus en plus de brestois : si la population a grandi de 60%, le nombre des contribuables a augmenté de plus de 70% - plus une ville est pauvre, plus il faut faire payer les pauvres -. Il y a aussi émergence d'une bourgeoisie, dominée par le monde du négoce. Celle-ci ne représentait qu'un peu plus de 1% en 1720 et elle dépassait 4% en 1789, véritable caste capable de définir ses propres projets, dont témoignent quelques mémoires comme ceux de Siviniant, et de maîtriser un espace qui, grâce à Choquet de Lindu avait pris un visage que l'on pouvait alors croire définitif.
After a particularly noteworthy expansion during the second half of the 17th century, brest went on growing in the 18th century ; it had more than 20000 inhabitants around 1720 and nearly 35000 in 1789. This growth, as in most towns, can be explained by the immigration coming from the bordeaux area, normandy, the paris region, but also from the east of france, of perhaps soldiers settling in the town and occupying jobs little valued by bretons. The whole economical activity is centered upon the naval dockyard as the town is indubitably dominated by ship-building ; in 1789 more than 5000 people were working there whereas the independent craftsmen were fewer than 1000. So, more than half of the inhabitants of the town belonged to the secondary sector-the arsenal was acting as the great royal manufactures and its workers were beginning to become proletarians-. Brest is a new town, a french colony in breton land, but is also a town of th old regime ; some of its typical features can be found in it. Men seem to get married as late as in the other french towns, at 28 years old at least ; however, women might have got married before the age of 25, which is comparatively young for that time. As to fertility, it corresponds to that of other breton women. The most important thing, however, is the obsessing presence of death in a town in which numerous epidemics will mark the whole century and in which the infantile mortality in recouvrance was over 250 00 at the end of the century. It was also a poor town and more and more inhabitants were required to pay the taxes : if the population has increased of 60% , the number of taxpayers has increased of more than 70% - the poorer a town is, the more the poor have to pay-. Also a bourgeoisie appears, ruled by the world of trade. It numbered hardly more than 1% in 1720 and exceeded 4% in 1789. It was a real caste capable of defining its own projects (testified by some memoirs such as those of siviniant) , and capable of mastering a space which, thanks to choquet de lindu, had assumed a look which could then appear permanent.