Thèse soutenue

Le principe de subsidiarité, entre terminologie et discours : pistes pour une nouvelle histoire de la formule

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Auteur / Autrice : Arthur Joyeux
Direction : Daniel Lebaud
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences du langage
Date : Soutenance le 23/05/2016
Etablissement(s) : Besançon
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale Langages, Espaces, Temps, Sociétés (Besançon ; 1991-2016)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Edition, Langages, Littératures, Informatique, Arts, Didactiques, Discours (ELLIADD) (Besançon) - Edition, Littératures, Langages, Informatique, Arts, Didactique, Discours [Besançon]
Jury : Président / Présidente : Alain Rabatel
Examinateurs / Examinatrices : Daniel Lebaud, Alain Rabatel, Claire Oger, Corinne Gobin, Laurent Gautier, Philippe Icard
Rapporteurs / Rapporteuses : Claire Oger, Corinne Gobin

Résumé

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La thèse est le résultat d’une recherche menée en sciences du langage : lexicologie, sémantique lexicale et analyse du discours. Elle s’appuie sur les sources primaires du droit de l’Union, les sources doctrinales de la Doctrine Sociale de l’Eglise et des corpus de textes doctrinaux (juridiques allemands), ainsi que sur une relecture de sources philosophiques : aristotélisme, thomisme, kantisme et romantisme allemand. Il est généralement avancé par la doctrine juridique européenne (en France, MILLON-DELSOL, 1991, CONSTANTINESCO, 1991), que le principe de subsidiarité, règle de droit positif européen (traité de Maastricht - 1993) défini à l’article 3B (5TUE), aurait initialement été théorisé par la Doctrine sociale de l’Eglise au 20e siècle (Pie XI, Quadragesimo Anno, 1931). La règle « directive » (CORNU, Vocabulaire juridique, 2015) aurait toutefois été délestée de sa charge philosophique et théologique problématique pour s’apparenter à une règle de procédure. Sur le plan linguistique, la forme française subsidiarité serait un emprunt francisé du néologisme allemand Subsidiarität.Nombreux auteurs soulignent le caractère ambigu, polysémique ou gigogne d’une notion « plus politique que juridique » (DU GRANRUT, 1997, BARROCHE, 2012). Cet « élément juridique communautaire » (Rapport parlementaire DE LA MALENE, 1996-1997), introduit par J. Delors et A. Spinelli dans les années 1980, aurait eu pour vocation de désamorcer les conflits relatifs à la caractérisation constitutionnelle de l’Union Européenne. Il permettrait également d’organiser de manière souple la réalisation des objectifs politiques communautaires définis par les Traités européens dans le domaine des « compétences partagées » (TUE). La thèse s’attache à montrer les incohérences des hypothèses linguistiques relatives au rattachement de cette notion et de sa forme linguistique (subsidiarité, substantivation de subsidiaire (secours, renfort d’un élément inférieur à une chose supérieure, initialement en contexte militaire latin)), ainsi qu’à son rattachement à des sources philosophiques et théologiques en particuliers thomistes et personnalistes.Une recherche sur l’étymon latin et de l’occurrence allemande (Subsidiarität), tend à montrer que la forme subsidiarité désigne initialement le droit romain (subsidiäres Recht), occurrence régulière de la doctrine juridique allemande, tout au long du 19e siècle. La thèse présente donc les résultats d’un repérage et de la collecte d’un corpus d’occurrences de subsidäre(r) Recht/Staat, Subsidiarität, Subsidiarität der Staat, Subsidiär-Prinzip, Subsidiaritätsprinzip, Grundsatz der Subsidiarität, Prinzip der Subsidiarität, dans les œuvres de la science allemande du droit, en particulier chez les membres de l’Ecole historique du droit (F. K. VON SAVIGNY) et chez les premiers formalistes (Paul LABAND, Georg JELLINEK) et penseurs allemands de l’Etat de droit (Robert VON MOHL, Julius VON STAHL). Le travail discute cette occurrence comme une formule discursive, c'est-à-dire un mot d’ordre politique allemand, qui se diffuse dans la science juridique et dans les œuvres de l’école historique d’économie, tout au long du 19e siècle. Initialement, il est un mot d’ordre historiciste, avancé par Savigny dans la Querelle de la codification qui traverse les Etats allemands de l’Ancien Empire Romain Germanique, à partir du Congrès de Vienne (1814). L’occurrence (adjectivale et adverbiale) se diffuse par la suite et devient un motif de l’Etat de droit social (en particulier à partir de R. VON MOHL, 1829), se substantive, devient un principe juridique (relations les ordres juridiques régionaux et fédéraux), puis pénètre la terminologie économique (Etat subsidiaire, devoir subsidiaire de l’Etat dans l’assistance aux pauvres). Son motif conditionne le vote des premières lois dites « sociales » sous Otto von Bismarck.