Effet d’une nitruration sur l’oxydation et l’absorption d’hydrogène d’un alliage Ti64 en milieu primaire de réacteur nucléaire à eau pressurisée
Auteur / Autrice : | Cyriac Christophe |
Direction : | Yves Wouters |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Matériaux, mécanique, génie civil, électrochimie |
Date : | Soutenance le 12/03/2025 |
Etablissement(s) : | Université Grenoble Alpes |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Ingénierie - matériaux mécanique énergétique environnement procédés production (Grenoble ; 2008-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Science et ingénierie des matériaux et procédés (Grenoble, Isère, France ; 2007-....) |
Jury : | Président / Présidente : Marian Chatenet |
Examinateurs / Examinatrices : Simon Frappart | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Cécilie Duhamel, Stéphane Mathieu |
Résumé
L’utilisation des alliages de titane, alliant légèreté, bonne résistance mécanique et faible activation neutronique, est envisagée pour certains composants du circuit primaire des réacteurs nucléaires à eau pressurisée (REP). En milieu primaire, ils ont une bonne résistance à la corrosion malgré une certaine absorption d’hydrogène. La nitruration de surface est considérée pour améliorer leurs propriétés tribologiques mais la corrosion des nitrures de titane dans ces conditions est peu documentée. L’objectif était donc d’évaluer l’effet d’une nitruration de surface par voie gazeuse sur les mécanismes et cinétiques d’oxydation et d’absorption d’hydrogène d’un alliage de titane Ti64 (α + β) en milieu primaire de REP.Des échantillons de Ti64 (Ti-6Al-4V) nitrurés et non nitrurés ont été exposés entre 9 et 151 jours en milieu primaire purifié simulé. Les expositions ont été réalisées en conditions nominales (300 °C, 15 MPa avec 2,25 ppm.mas. de H2 dissous) à deux vitesses de fluide (1 mm.s-1 et 7 m.s-1) dans des boucles en acier inoxydable. Les oxydes formés ont été caractérisés par DRX, MEB-EDS et MET-ASTAR. Un bilan de masse a été combiné à des pesées et à des analyses d’images pour estimer la cinétique de corrosion. La prise d’hydrogène a été mesurée par dosage par fusion. La pénétration d’hydrogène depuis la surface a été étudiée par profils SIMS après réexposition en milieu primaire deutéré. L’évolution des propriétés mécaniques a été caractérisée à l’aide d’essais de traction sur éprouvettes plates d’épaisseur 1 mm.L’exposition en milieu primaire conduit à la formation d’une couche continue de TiO2 sur les deux matériaux étudiés (anatase pour le Ti64 non nitruré, rutile et anatase pour le Ti64 nitruré). La dissolution simultanée de cette couche relâche des hydroxydes de titane dans le milieu. Selon la vitesse de fluide, la précipitation de TiO2 anatase et/ou la co-précipitation de FeTiO3 ilménite ont été observées. Un recouvrement total de la surface par l’ilménite a été atteint à haute vitesse de fluide : l’oxydation a été temporairement stoppée puis a repris lorsque la couche a commencé à se dissoudre partiellement. A une vitesse de fluide de 1 mm.s-1, la vitesse de corrosion maximale à long terme est plus faible pour le Ti64 nitruré (0,7 µm.an-1) que pour le Ti64 non nitruré (1,5 µm.an-1). A une vitesse de fluide de 7 m.s-1, elle est d’environ 5 µm.an-1 pour les deux matériaux. La fraction de titane oxydé qui a été dissoute et évacuée dans le milieu a augmenté avec la vitesse de fluide, passant d’environ 20 %at. à plus de 90 %at. Un modèle de corrosion-érosion a été adapté aux résultats : la vitesse de corrosion serait limitée par l’évacuation des hydroxydes de titane au loin de la surface jusqu’à une vitesse de fluide d’environ 5 à 10 m.s-1, et n’augmenterait plus significativement au-delà.La prise d’hydrogène du Ti64 augmente avec la vitesse de fluide proportionnellement à la quantité de matériau corrodé : elle représente environ 30 % de l’hydrogène produit par la réduction de l’eau associée à l’oxydation du métal. La vitesse d’absorption d’hydrogène est plus élevée sur le Ti64 nitruré que sur le Ti64 non nitruré : pour des coupons avec un rapport surface sur volume de 2,3 mm-1 exposés à une vitesse de fluide de 7 m.s-1, elles sont respectivement de 3,6 ppm.mas.jour-1 et 0,9 ppm.mas.jour-1. Seul le Ti64 nitruré a continué à absorber de l’hydrogène lorsque l’oxydation était stoppée, ce qui a été attribué à une absorption significative de l’hydrogène dissous en milieu primaire. Les interfaces oxyde/nitrure et nitrure/métal formeraient des barrières plus faibles au passage de l’hydrogène que l’interface oxyde/métal sur le Ti64. L’exposition durcit les deux matériaux, ce qui a été attribué à un vieillissement thermique. Après exposition, des hydrures sont observés à température ambiante aux interfaces α/β. Pour des concentrations d’hydrogène supérieures à 200 ppm.mas., ils fragilisent significativement le Ti64 nitruré.