Thèse en cours

Pastorale, matérialité, spectralité : l'oeuvre de Sarah Hall au prisme de la crise environnementale

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Auteur / Autrice : Constance Pompie
Direction : Jean-Michel Ganteau
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Études du monde anglophone
Date : Inscription en doctorat le 01/09/2020
Etablissement(s) : Montpellier 3
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale 58, Langues, Littératures, Cultures, Civilisations
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : EMMA - Etudes Montpellieraines du Monde Anglophone

Résumé

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Ce travail traite de l'évolution du mode de la pastorale en relation avec la crise environnementale actuelle, dans cinq romans (Haweswater, The Electric Michelangelo, The Carhullan Army, How to Paint a Dead Man et The Wolf Border), et trois recueils de nouvelles (The Beautiful Indifference, Madame Zero, et Sudden Traveler) écrits par l'écrivaine britannique Sarah Hall. Il n'est pas anodin de constater que la destruction progressive de l'environnement s'accompagne d'un retour (différé par rapport au début de la crise environnementale) du genre de la pastorale dans les librairies, ainsi que de certaines oeuvres appartenant au genre du nature writing. Sarah Hall emprunte des caractéristiques du nature writing, puisqu'elle représente une nature intrinsèque, qui existe pour elle-même et par elle-même, mais privilégie le genre de la pastorale, à visée plus réflexive, politique et éthique, dont elle contribue à redéfinir les contours. Les menaces invisibles qui planent sur la nature sont exprimées à travers une esthétique de l'eerie ou de l'étrange. Son utilisation permet de représenter le caractère menaçant et parfois indirect de la crise environnementale qui se manifeste par des signes souvent ignorés. C'est ce que Rob Nixon explique grâce au concept de slow violence qu'il définit comme une violence croissante, provoquant une destruction différée. Cette slow violence, bien éloignée d'une violence instantanée et spectaculaire passe souvent inaperçu et nécessite cette esthétique de l'étrange et du spectral afin d'être représentée. La pastorale figure l'interaction entre l'homme et son environnement (les êtres vivants, mais aussi tous les milieux qu'ils habitent). Elle constitue dès lors un espace privilégié pour redéfinir cette interaction à la lumière des données scientifiques environnementales et des nouvelles conceptions de la matière. Ainsi, la représentation du paysage chez Sarah Hall nie la réification et la perception de la nature comme un réservoir inépuisable de ressources quantifiables et exploitables. Les oeuvres mettent en récit les données scientifiques environnementales ainsi que les avancées de la philosophie néomatérialiste ayant pour but d'abolir la hiérarchie ontologique entre l'humain et le non humain. C'est alors la place de l'humain en tant qu'être dépendant, intégré dans un réseau d'interactions avec le reste du vivant et la matière non vivante qui est repensée. Ainsi, si traditionnellement la pastorale était une forme visant à éviter les remises en question du pouvoir régissant l'appropriation des terres (Gifford 1999 :8), Sarah Hall semble l'utiliser pour remettre en question ces appropriations qui participent à la destruction des écosystèmes. Mon hypothèse est que le nouveau cadre esthétique de la pastorale permet de sonder la responsabilité de l'humain dans la destruction de l'environnement, et, par le vecteur de l'écriture, de réévaluer sa place au sein des écosystèmes qui font vivre la planète. Le sujet humain cesse d'y être vu comme souverain et se trouve placé au coeur d'un système d'interdépendances. Je tenterai de démontrer qu'à travers son utilisation singulière de la pastorale, Sarah Hall active des fonctions essentielles du récit de fiction : une fonction empirique (en proposant au lecteur une expérience incarnée), heuristique (en ceci qu'elle invite les lecteurs à élaborer les hypothèses leur permettant de comprendre différemment les relations qu'ils peuvent entretenir avec l'environnement), et éthique (en ceci qu'elle permet de sonder la responsabilité des lecteurs au regard de l'environnement).