Thèse soutenue

La « soavità » comme douceur et médecine de l’âme dans l’œuvre de Dante Alighieri

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Auteur / Autrice : Anne Gaelle Cuif
Direction : Chiara LastraioliErminia Ardissino
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire
Date : Soutenance le 14/12/2020
Etablissement(s) : Tours en cotutelle avec Università di Torino (Turin, Italie)
Ecole(s) doctorale(s) : Humanités et Langues - H&L
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'études supérieures de la Renaissance (Tours ; 1956-....)
Jury : Président / Présidente : Alfredo Perifano
Examinateurs / Examinatrices : Alberto Casadei, Massimo Lucarelli
Rapporteurs / Rapporteuses : Giuseppe Ledda

Résumé

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Dans l’œuvre de Dante Alighieri, la notion de suavité représente une douceur thérapeutique pour l’âme comme pour l’intellect. L’étude préalable des termes esthétiques appartenant à la famille de suavis et dulcis dans la littérature latine classique et chrétienne permet de démontrer l’importance majeure de deux notions complexes qui s’étendent de la rhétorique à la poétique, de la philosophie à la théologie, de l'art médical à l'art musical. Les formes italiennes « soave » et « dolce » employées dans les œuvres littéraires italiennes du Duecento opèrent une synthèse des deux notions latines et de leur identité sémantique : en associant le profane au spirituel, la douceur et la suavité s’enrichissent de nouvelles fonctions esthétiques mais aussi thérapeutiques et développent le champ des sensations physiques, des émotions et des expériences spirituelles. Conscient de cet héritage, Dante est à l’origine de l’expansion sémantique et conceptuelle de la « soavità » dans la langue italienne jusqu’à Pétrarque. Le Convivio et le De Vulgari Eloquentia sont dédiés à l'étude d'une suavité éthique, rhétorique et poétique que le poète applique à l’écriture de la Comédie ; le Purgatoire et le Paradis expriment une douceur d’un ordre supérieur, à la fois esthétique et mystique, qui constitue un antidote contre l’âpreté et l’amertume inexorables du monde terrestre et qui met en jeu le caractère sublime des sensations et des émotions. La thèse s’articule en cinq parties et inclut une introduction qui retrace les origines latines et l’évolution sémantique de la suavité et de la douceur dans la littérature latine classique jusqu’aux emplois en langue italienne dans la littérature du Duecento. La première partie étudie l’opposition entre les termes « amarezza », « asprezza » et « dolcezza », « soavità » et leur relation avec la santé et la maladie de l’âme, en particulier dans la Vita Nova et dans l’Enfer. La deuxième partie traite de la suavité et de la douceur philosophiques et poétiques, considérées comme remèdes de l’âme et de l’intellect, mais aussi du langage poétique grâce à l’éthique de la « soavitade ». Suite à ces considérations philosophiques et stylistiques, l’emploi des notions de « soavità » et de « dolcezza » dans la Comédie détermine une signification spirituelle nouvelle. Ainsi, la troisième partie étudie la fonction psychagogique de la douceur dans le Purgatoire et en particulier à travers l’expression de l’acte pédagogique et l’exploration des sensations et des synesthésies de l’Eden. Cette dimension pluri-sensorielle fait l’objet du Paradis dont on analyse, dans une quatrième partie, la fonction anagogique en relation avec le système des sens spirituels. Enfin, c’est dans les expériences sonores et liturgiques du Purgatoire et dans les images et les similitudes musicales du Paradis que la douceur agit comme ultime médecine de l’âme et de l’intellect, que développe la cinquième et dernière partie de cette thèse. Grâce à une langue poétique nouvelle, nourrie par la saveur des images et des similitudes, Dante opère un jeu intellectuel bénéfique qui explore le champ des sensations et des émotions individuelles et collectives où la musique, empreinte d’amour divin, représente la « soave medicina » par excellence.