La participation aux bénéfices comme voie d'accès à la gestion des entreprises (1848-1970)
| Auteur / Autrice : | Anthony La Rocca |
| Direction : | Catherine Fillon, Jean-Pierre Le Crom |
| Type : | Projet de thèse |
| Discipline(s) : | Droit mention histoire du droit |
| Date : | Inscription en doctorat le 05/09/2018 |
| Etablissement(s) : | Lyon 3 |
| Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de droit (Lyon) |
Mots clés
Résumé
On rattache généralement la participation aux bénéfices au général de Gaulle et au catholicisme social. L’idée a, pourtant, dès les origines été défendue par des courants idéologiques divers. Elle existe au sein du syndicalisme indépendant et dans de nombreux écrits bonapartistes et boulangistes. Elle se manifeste également dans les réflexions d’une part significative de la gauche non-marxiste. Pour la Troisième République, la participation est, en effet, la solution pratique et pacifique de « la question sociale », le remède étant issu de la naturelle entente entre capital et travail. La singularité du projet gaullien réside donc moins dans la volonté de dépasser la lutte des classes que dans la consécration de l’intervention de l’État en la matière. Préconisée en vain par les radicaux-socialistes dans les années 1900 puis circonscrite à des mesures incitatives durant la Quatrième République, l’intervention en matière de participation aux bénéfices ne se réalise pleinement que durant le second septennat du président de Gaulle. Cependant, si elle instaure une participation obligatoire, l’ordonnance du 17 août 1967 se révèle nettement en-deçà des ambitions du Général, lequel entendait consacrer un changement profond de la condition du travailleur dans l'entreprise, notamment par le moyen d’une intervention régulière dans la gestion. Ce travail propose une analyse sociologique et juridique des conditions d’émergence et de l’impact de la participation aux bénéfices. On retiendra, notamment, que l’octroi de part de bénéfices à des salariés engendre nombre de problématiques juridiques qui viennent heurter les distinctions classiques entre droit du travail et droit des sociétés, entre salariat et association. Qui dit partage des bénéfices dit, en effet, droit de regard quant à la gestion de l’entreprise, notamment parce que cette situation impose un contrôle des comptes par le participant. Pour le XIXe siècle, on le découvre en étudiant la jurisprudence relative aux commis intéressés et l’application de règlements d’atelier qui accordaient une part des bénéfices aux ouvriers. On le perçoit, aussi, dans les réformes de l’entreprise proposées à partir de 1940, la participation aux profits côtoyant régulièrement la participation à la gestion, si bien qu’une certaine complémentarité puisse être établie entre les deux. On constatera, cependant, que la doctrine mobilise davantage les hommes politiques que les organisations syndicales. En effet, bien que le contrôle de la gestion soit réclamé par l’ensemble des confédérations ouvrières, la participation aux bénéfices suscite une grande méfiance voire une profonde hostilité. En tant qu’elle peut être instrumentalisée à des fins patronales et qu’elle n’apporte souvent que des avantages réduits, elle paraît ne pas correspondre aux besoins et aux objectifs prolétariens. Les projets relatifs à l’intéressement ont, d’ailleurs, souvent, une indéniable dimension antisyndicale. De l’autre côté, on remarquera que la participation ne suscite pas un important enthousiasme au sein du monde des affaires. Redoutant que les inconvénients surpassent les avantages, la majorité du patronat craint qu’elle ne débouche sur de nouveaux conflits, qu’elle serve de prétexte à des revendications de partage du pouvoir dans l’entreprise et qu’elle ne permette pas d’endiguer la grève. L’idée d’une généralisation participation se heurte donc aussi bien à de puissantes objections techniques qu’à des craintes enracinées. Le législateur n’a donc avancé qu’à petits pas. Il a, surtout, abandonné la perspective d’une transformation profonde des relations sociales pour s’orienter vers un sursalaire peu important, destiné moins à asseoir une réorganisation de l’entreprise qu’à former une épargne-retraite. L’intéressement n’éradique pas systématiquement et à lui seul les querelles interclassistes. Les modalités de sa mise en œuvre par les chefs d’entreprise pèsent fort sur le résultat obtenu.