Thèse en cours

La maison brûle. Cultiver le déni du changement climatique après un mégafeu en Californie du nord

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Auteur / Autrice : Elise Boutié
Direction : Brigitte Müller
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Anthropologie sociale et ethnologie
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2018
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales

Mots clés

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Résumé

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Basée sur une ethnographie de sept mois, cette thèse d'anthropologie politique de l'environnement s'intéresse aux récits, perceptions et manières d'habiter la forêt et la maison après que l'incendie le plus destructeur de l'histoire de Californie ait détruit plus de 19 000 structures humaines, 62 000 hectares de forêt et tué 85 personnes, bouleversant la vie matérielle et symbolique de sept villes et villages d'un haut plateau boisé situé dans les contreforts de la Sierra Nevada. Si l'incendie est débord vécu comme un événement historique de grande ampleur qui a non seulement surpris les habitant.es et les autorités, mais surtout qui mis leur monde sens dessus dessous, dès novembre 2019 date qui marque le premier anniversaire, un certain nombre de dispositifs sont mis en place pour orchestrer l'oubli du 8 novembre 2018 et ainsi relativiser son impact. À partir de cette tension qui oscille entre volonté d'orienter l'écriture de l'histoire et reconnaissance du caractère exceptionnel et de l'urgence à réagir face au phénomène des méga-feux, la thèse se demande comment se fait-il que les habitant.es cultivent le déni de la réalité des changements climatiques et de la réalité de la menace de disparition qu'ils font planer sur leurs lieux de vie alors même qu'iels expriment un profond attachement à ce territoire en particulier et à la forêt en général ? La thèse répond à cette question en trois temps et en suivant trois fils d'analyse : la maison, la forêt et l'église évangélique car ces trois figures constituent selon nous la colonne vertébrale du modèle socio-politique états-unien, modèle dont l'hégémonie et la promotion sont en partie responsables du nouvel ordre climatique qui est le nôtre. D'une part, nous pensons que le désir d'appartenir ou d'être perçu.e comme appartenant à la classe moyenne est plus fort que le principe de réalité qui met en danger et en jeu les conditions d'habitabilité du territoire. D'autre part, les valeurs présentées et perçues comme fondamentales au sein de la société états-unienne, notamment celle de puissance de l'individu auto-construit (« self made man »), font écran aux relations d'interpénétration et d'interdépendance qui lient positivement les humains à leurs environnements, anéantissant toute possibilité d'en prendre soin et d'être transformé.e par eux. Enfin, la puissance des schémas narratifs portés et véhiculés par la religion évangélique, dont le pouvoir sur le ridge est indéniable, prolonge et perpétue la pensée selon laquelle l'humain qui croit et qui entretient son lien avec Dieu serait un être protégé des cataclysmes terrestres, reléguant ces derniers à de pures anecdotes sans conséquence pour et dans la vie terrestre. Construite en quatre parties (« Habiter », « Incendier », « Effacer », « The New Normal ? ») et neuf chapitres, la thèse traite la catastrophe comme un événement autant révélateur que catalyseur d'enjeux socio-politiques tels que la violence sociale, l'alliance de classes au-delà de l'alliance politique, l'attachement à l'image de la classe moyenne, la mémoire encadrée, le traumatisme climatique, la relation naturaliste à la forêt et la migration d'agrément.