Thèse soutenue

Le gouvernement numérique de la foule : enquête sur les technologies de quantification de la foule en démocratie

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Auteur / Autrice : Émile Provendier
Direction : Sylvain ParasieJean-Philippe Cointet
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 23/09/2024
Etablissement(s) : Université Gustave Eiffel
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Organisations, marchés, institutions (Créteil ; 2010-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire Interdisciplinaire Sciences Innovations Sociétés (Champs sur Marne ; 2015-....) - Laboratoire Interdisciplinaire Sciences Innovations Sociétés
Jury : Président / Présidente : Cécile Méadel
Examinateurs / Examinatrices : Sylvain Parasie, Jean-Philippe Cointet, Olivier Beraud Martin, Fabienne Greffet, Valérie November, Emmanuel Didier
Rapporteurs / Rapporteuses : Olivier Beraud Martin, Fabienne Greffet

Résumé

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La foule s’est constituée comme objet scientifique depuis la fin du 19e siècle. Initialement liée à la psychologie des foules de Gustave Le Bon et empreinte d’une vision normative faisant passer les émotions devant la rationalité individuelle, son analyse connaît un renouveau important suite à l’essor des technologies numériques à partir des années 1990. Portées par des intérêts gouvernementaux de surveillance de la population, ces nouvelles sciences de la foule promettent de mettre à distance les considérations idéologiques et morales qui ont longtemps dominé la connaissance de l’objet. Cependant, la gestion par l’État de ces formes de quantification fait apparaître de nouveaux problèmes mettant en danger les droits individuels. Ces problèmes se jouent à un niveau idéologique par la critique de la surveillance de masse mais aussi juridique avec une revendication citoyenne sur la souveraineté des données personnelles. Ces observations nous poussent alors à nous demander quelles sont les conditions selon lesquelles ces nouvelles sciences de la foule peuvent être démocratiques. Pour répondre à cette question nous mobilisons trois terrains – une analyse scientométrique et deux ethnographies – permettant de comprendre les différents enjeux liés au gouvernement de la foule. Dans un premier temps, nous analysons comment se structure et se construit un ensemble de connaissances scientifiques par l’analyse d’un corpus d’articles portant sur la foule depuis les années 1950. Nous observons comment différentes disciplines se saisissent de la question et la manière dont les gouvernements influencent les recherches scientifiques en investissant certaines techniques d’encadrement de la foule plutôt que d’autres. Dans un deuxième temps, nous étudions les nouvelles formes de normativité qui émergent par le comptage de la foule politique. Par la mobilisation d’un terrain portant sur le comptage des manifestants en France, nous voyons que la mise en place d’une mesure présentée comme indépendante doit se légitimer pour apparaître crédible tout en imposant une normativité au phénomène à quantifier. Enfin, nous questionnons les possibilités d’émancipation démocratique par l’ethnographie d’une procédure de comptage éthique de la foule au sein de la ville d’Amsterdam. Nous rencontrons des acteurs qui souhaitent intégrer les revendications citoyennes opposées à la société de surveillance à un système de comptage de la foule afin de lier les besoins de quantification de la ville aux demandes de respect des données personnelles des citoyens concernés. Nous montrons qu’aujourd’hui se construit une nouvelle science de la foule qui est interdisciplinaire et dominée par l’informatique et la physique. Ce domaine de recherche est associé à des dispositifs de comptage numérique qui donnent lieu à l’essor d’un marché international. Ces nouvelles sciences, qui se prétendent apolitiques par la mobilisation d’arguments quantitatifs, sont influencées par des décisions politiques et suscitent des critiques citoyennes. Enfin, nous montrons qu’il existe des mouvements qui tentent de répondre à ces critiques par la construction de formes démocratiques de la surveillance de la foule. Notre travail suggère ainsi que pour que la quantification de la foule soit démocratique, il ne faut pas séparer la technique et le social et faire en sorte de créer un regard public sur les formes d’objectivation de la foule