Thèse soutenue

Discours et figures du pouvoir dans les Historiae Alexandri Magni de Quinte-Curce

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Auteur / Autrice : Claire Pérez
Direction : Marie Ledentu
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Lettres mention langues, littératures et cultures antiques
Date : Soutenance le 02/12/2022
Etablissement(s) : Lyon 3
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, langues, linguistique, arts (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Histoire et Sources des Mondes Antiques (Lyon ; 2003-....)
Jury : Président / Présidente : Bruno Bureau
Examinateurs / Examinatrices : Bruno Bureau, Agnès Molinier-Arbo, Fabrice Galtier, Olivier Devillers, Danielle Karin van Mal-Maeder
Rapporteurs / Rapporteuses : Agnès Molinier-Arbo, Fabrice Galtier

Résumé

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Cette thèse porte sur le rôle des discours dans la représentation des personnages dans les Histoires d’Alexandre le Grand de Quinte-Curce, une œuvre d’historiographie latine écrite au Ier siècle ap. J.-C. Ce travail adopte une double perspective. L’une est technique, puisqu’il s’agit d’étudier la fonction des discours dans le récit de l’Histoire. L’autre concerne la réception de la figure d’Alexandre le Grand à Rome et la réélaboration des personnages au service de l’utilité de l’œuvre pour le présent romain. Dans un premier temps, nous tentons de cerner les outils que l’art oratoire met à disposition de l’historien, dans le cadre de l’écriture d’une historia ornata, pour concevoir et représenter ses personnages. Nous évaluons la pertinence de la notion rhétorique de persona pour penser la technique du portrait des figures historiques. Nous examinons d’abord les supports de la caractérisation qui ne relèvent pas des discours : la composition épisodique de l’œuvre, le commentaire du narrateur et son usage de l’éloge et du blâme, ainsi que la narration d’actions. Puis nous interrogeons le principe généralement admis selon lequel les discours relèvent de la caractérisation indirecte, en étudiant la manière dont Quinte-Curce met en œuvre le principe esthétique et rhétorique du decorum. Enfin, nous examinons la forme et le statut des portraits qui sont délégués à la voix des personnages et sont fondés sur les outils de l’éloquence épidictique et judiciaire. Nous étudions dans un deuxième temps le rôle des discours dans le portrait d’Alexandre. Ce développement est organisé autour des deux aspects politiques qui intéressaient au premier chef les Romains dans cette figure : sa caractérisation en tant que conquérant et en tant que roi. Nous traitons cette problématique selon trois axes. Le premier est d’ordre technique et décrit la manière dont l’historien orchestre la polyphonie du texte pour construire ce portrait, qu’il s’agisse de représenter le personnage en paroles, de problématiser son interprétation ou de dévoiler ce que cachent ses discours. Les deux autres axes concernent la représentation ainsi composée : nous la situons dans les traditions de réception d’Alexandre, mais également, nous interrogeons le rôle des discours dans « l’actualisation » du matériau historique et la construction de savoirs politiques pertinents pour le présent romain. Nous mettons en lumière leur rôle dans l’élaboration d’un « miroir du prince » et l’ancrage de celui-ci dans les discussions contemporaines sur le bon dirigeant.Enfin, nous examinons la réflexion que porte l’œuvre sur la place de la parole au sein d’un régime monarchique. Tout d’abord, nous traitons la thématique de la dissimulation, en montrant que la tyrannie, chez Quinte-Curce, a pour caractéristique de briser le lien entre intentions et discours et de théâtraliser les relations socio-politiques. Nous étudions ensuite l’importance du thème de la liberté de parole dans l’œuvre et examinons le personnage-type du conseiller. Nous montrons que l’on peut lire l’ouvrage comme un « miroir du conseiller du prince » qui réfléchit sur le positionnement du conseiller face au pouvoir. Enfin, nous abordons la thématique de la construction de la mémoire du roi. Quinte-Curce fait de son protagoniste un homme obsédé par le renom qu’il lèguera à la postérité ; nous analysons l’usage de la polyphonie dans le traitement de cette problématique et montrons sa portée métahistorique, car la voix de l’historien s’affirme contre le récit héroïque et individué qu’essaie d’imposer le personnage. Nous dressons dans ce troisième développement des parallèles entre l’écriture de Quinte-Curce et celle d’un autre historien impérial, à savoir Tacite, pour montrer combien l’auteur des Histoires imprègne son œuvre de l’expérience du Principat et pour lui donner sa place dans l’historiographie née du retour à Rome du régime personnel.