Thèse soutenue

L'Ordre des corps. Eléments pour une sociologie historique des formes corporelles de la vie collective : l'exemple des corps d'été, 20e - 21e siècles

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Christophe Granger
Direction : Laurent Le Gall
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire
Date : Soutenance le 28/11/2018
Etablissement(s) : Brest
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sociétés, temps, territoires (Angers)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherche bretonne et celtique (Brest, Finistère)
Jury : Président / Présidente : Anne Carol
Examinateurs / Examinatrices : Laurent Le Gall, Anne Carol, Pascale Gœtschel, Ludivine Bantigny, Julien Fuchs, Nicolas Mariot
Rapporteurs / Rapporteuses : Pascale Gœtschel, Ludivine Bantigny

Résumé

FR  |  
EN

Cette thèse n’étudie pas les corps en soi, mais les formes corporelles de la vie collective. En prenant au sérieux le fait que les acteurs apprennent, éprouvent, énoncent et agissent le monde par leurs corps, elle se donne ainsi pour objet l’analyse de la place changeante des corps dans l’histoire de la France contemporaine (XX e et XXI e siècles) et, indissociablement, dans les luttes de classement et de reclassement auxquels se livrent les groupes sociaux en compétition pour la définition des manières d’être légitimes. Ce travail d’intellection, qui entend donc produire du savoir non pas sur les corps mais à partir d’eux, est mené ici à partir d’un exemple particulier : celui des « corps d’été ». Entre 1900 et 1980 pour l’essentiel, enracinée dans des logiques plus anciennes et qui se rejouent sans cesse jusqu’à nous, s’opère l’invention d’une sorte d’habitus estival collectif dont les principales propriétés formelles tiennent au bronzage, à la dénudation, à l’institution d’une silhouette de saison, mais aussi à une manière proprement estivale de se mettre en jeu à travers son corps, de se tenir, de s’allonger en public, de savoir se détendre et plus encore, en ce temps décrété vierge des convenances et des appartenances sociales, à s’inventer à partir des corps un monde de rechange. Pour le comprendre, il faut décrire, en la rendant à ses enjeux sociaux, moraux et politiques, l’autonomisation d’une situation sociale, ou plus exactement d’un contexte d’action, qui commande, agissant à la manière d’une institution déjà-là, l’existence mêlée d’une saison des corps, où tout paraît devoir se recommencer à partir d’eux, et d’un corps de saison, dont les formes et les significations sont l’incarnation des jugements de goût et de valeur à partir desquels s’arbitrent les jeux sociaux. Or cet ordre des corps ne doit rien à la capacité d’agir des acteurs. Outre que sa production a impliqué, dans des proportions variables, l’État, l’Église, les autorités municipales et les grands magistères sociaux (médecins, etc.), il repose tout entier sur les rapports de force historiques noués sans cesse entre ceux qui, socialement portés à faire du corps une ressource de position et de distinction, savent s’en rendre maître et ceux, issus souvent des rangs d’une bourgeoisie traditionaliste qui lutte, se mobilise et se bat, défendent un monde qui refuse de prendre les choses du corps pour principe d’organisation. À partir de ce « cas », et en investissant une large part de ses développements à la construction d’une démarche de sociologie historique, cette thèse prétend poser les jalons d’une histoire par corps capable de féconder l’intellection du monde social.