Thèse soutenue

« Food, flowers, and filth ». Recomposer le marché de l’emploi réservé aux personnes handicapées ? : le cas des nonprofits de la côte est étatsunienne.

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Marie Assaf
Direction : Romain Huret
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Etudes politiques
Date : Soutenance le 29/09/2023
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Isabelle Ville
Examinateurs / Examinatrices : Romain Huret, Isabelle Ville, Élisa Chelle, Jean-Christian Vinel, Pierre-Yves Baudot, Anne Daguerre
Rapporteurs / Rapporteuses : Élisa Chelle, Jean-Christian Vinel

Résumé

FR  |  
EN

Cette thèse s’intéresse à l’expérience de mise au travail des personnes ayant des handicaps intellectuels et cognitifs (Intellectual and Developmental Disabilities ou IDD) aux États-Unis, une expérience marginale puisque le handicap sert de curseur entre l’économie du travail et du besoin. Afin de saisir la définition de l’employabilité de cette catégorie de population, nous nous sommes penchée sur le travail proposé par des acteurs de « l’État délégué » : des nonprofits, associations à but non lucratif, spécialisées dans l’intégration sur le marché de l’emploi ordinaire des personnes ayant des IDD. Acteurs méconnus de ce processus, elles constituent pourtant des relais essentiels, tant d’information, que de formation au cadre normatif du marché de l’emploi ordinaire. Plus précisément, nous analysons un modèle récent, celui de « l’emploi personnalisé » (customized employment). Issu des réformes de l’État social (welfare state) des années 1990 et de l’influence d’un puissant mouvement en faveur de l’indépendance des personnes handicapées, conduit par la population concernée elle-même dès les années 1960, ce modèle propose d’aborder l’emploi à partir des souhaits et besoins des individus handicapés afin de trouver un environnement qui correspond à leur projet professionnel (dans la continuité des dynamiques de transformation du welfare en workfare). La délégation de l’action publique auprès du tiers secteur est ancrée dans l’histoire des États-Unis, et en particulier dans le cadre de politiques sociales. Par ailleurs, le milieu associatif a historiquement eu une place majeure dans la prise en charge des personnes handicapées, ainsi il n’est pas étonnant de voir des institutions pareilles émerger afin de répondre au défi de l’intégration de populations marginalisées. L’analyse « par le bas », à partir de ces acteurs permet de démêler les fils qui forment l’employabilité des individus. Cette étude de cas fait le pari de prendre au sérieux les services de mise à l’emploi et de voir ce qui se passe au niveau de l’interaction entre les agents et les personnes handicapées. Seul ce type d’enquête d’ethnographie, en rupture avec l’approche traditionnelle des politiques publiques, permet de comprendre comment est façonnée, pensée et défiée, l’employabilité d’individus qui ne sont pas destinés à travailler. Ainsi, nous démontrons à travers trois parties, que l’employabilité des personnes ayant des IDD ne peut être comprise en-dehors d’un cadre d’analyse historique et politique croisant différentes échelles. Suite à cette démonstration précise, à la fois de nos méthodes, de nos défis, et des structures, en somme, les clés de lectures nécessaires du sujet dans les deux premières parties, nous exposons la trajectoire des acteurs dans la dernière. Nous y déplions les nouveaux modèles de l’employabilité sur le terrain effectué, à New-York et Boston particulièrement, au regard des interactions entre les personnes handicapées et les agents. Le travail de ces derniers illustre les défis et la spécificité du cas handicapé. Donner un visage à ceux qui forgent l’employabilité des individus handicapés permet de comprendre les grandes variations qui demeurent dans la proposition de services à une catégorie de la population déjà fortement marginalisée.