Thèse en cours

Misfit Blues: Les figures de Misfits dans le cinéma et la littérature américaine.

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Auteur / Autrice : Martin Berny
Direction : William Dow
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Langues et littératures étrangères
Date : Inscription en doctorat le 11/11/2017
Etablissement(s) : Université Gustave Eiffel
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale Cultures et Sociétés
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherche Littératures, savoirs et arts (Champs-sur-Marne, Seine-et-Marne)

Mots clés

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Résumé

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Misfit Blues: Les figures de misfits dans le cinéma & la littérature américaine Les traditions littéraires et cinématographiques américaines mettent en évidence une figure ductile qui sous ses différentes formes contribue à restituer une vision plus vive du mythe anticonformiste américain. Cette figure du misfit condense à elle seule une série d’interrogations propres aux États-Unis – notamment au sujet de l’individu et de son rapport problématique à la société qui trouve peut-être son origine dans cette représentation de la sauvagerie indomptable qui fut le terreau de l’établissement politico-géographique du pays. Des figures centrales parmi lesquelles Jack London, Woody Guthrie ou John Steinbeck permettent de parcourir cette route qui conduit du rapport essentiel de l’être humain à la Nature jusqu’à la civilisation et ses limites. Des thèmes proprement américains seront ainsi passés en revue. La poursuite de la liberté, soutenue par un conflit entre mobilité et enfermement, les protagonistes cherchant à échapper au cloisonnement psychologique par la recherche d’un espace concret ou imaginaire où projeter leurs tensions intérieures. La Nature ou le wilderness, l’accession à la maturité (manhood), le mythe du vagabond, du voyage et de la route, et la conquête – parfois métaphorique – de territoires inexplorés, évoquent la tentative de maîtrise d’un destin, la remise en question de l’individualisme forcené, des temps modernes et du conformisme. Les notions d’espace et de frontière mises en évidence depuis les premières explorations de l’Ouest légendaire jusqu’à la « nouvelle frontière » de Kennedy projetée dans l’espace le plus extrinsèque poussent à s’interroger sur ce qui a pu changer ou non dans le discours politique américain au fil des décennies au sujet de la structuration idéelle de la société. Selon un point de vue d’ordre finaliste, la quête de liberté de ces personnages a pour but d’établir les limites de l’espace identitaire du pays. En nourrissant une critique plus ou moins explicite du contexte social et des déterminismes multiples qu’il impose, les misfits indiquent les motifs jusqu’alors inconscients de l’ordre dominant. C’est que l’on peut dès lors se demander de quelle manière le misfit participe activement à la production d’une société normalisée et quelle est la mesure de son utilité sociale. Son acte de révolte, ses transgressions des règles établies et du conformisme ne sont pas en soi une négation des limites, mais en constituent un dépassement par lequel la norme est complétée. C’est ainsi que l’on peut identifier un processus d’individuation qui voit le sujet s’émanciper du centre de la société pour ultimement y revenir de façon oblique, de gré ou de force, en une centration décentrée. Un mouvement oscillatoire entre terre et ciel se situe ici à la lisière des genres, souvent entre réalisme et naturalisme d’inspiration factuelle ou historique d’une part, et tendance fantastique et imaginaire de l’autre. Cette réflexion sur la création littéraire ou cinématographique permet de trouver dans la métaphorisation d’interrogations parfois ontologiques ou métaphysiques en apparence l’interprétation d’un contexte social et humain tout à fait concret. Cette hybridité créatrice est à trouver jusque dans l’art typiquement américain du début du XXe siècle qui vit l’immixtion du surréalisme et de l’abstraction au sein du réalisme chtonien lors des années de la Grande Dépression. Si les questions d’esthétique ne peuvent bien évidemment être séparées de leur dimension éthique et morale, c’est en plus que le fondement philosophique de cet archétype singulier est à replacer dans un climat d’échange dynamique entre Europe et États-Unis. Si l’étendue sauvage du pays fut d’abord envisagée par opposition à l’Ancien Monde, pour s’affranchir de son influence, c’est avec Thoreau et surtout Emerson que naît l’idée d’une tradition de pensée purement américaine. La recherche renouvelée de la psychologie des personnages marque également un retour à des questionnements centrés sur la conscience de soi, de ce qui fonde le ressenti d’identité personnelle, depuis les premiers instants de la psychanalyse et le courant pragmatique de William James jusqu’aux méthodes de jeu d’acteur les plus modernes. Par la singularité d’une approche à la fois interdisciplinaire visant à dégager la plus large vision possible de la figure du misfit et du fonctionnement de la société américaine dans son ensemble – avec une attention particulière portée aux arts plastiques, à la musique et à l’appui des champs philosophique, psychanalytique ou anthropologique – et une perspective analytique affinée par le regard spécifique des études cinématographiques, il s’agira de parcourir un corpus de films et d’œuvres littéraires cohérent : par exemple Into the Wild de Jon Krakauer, récit de journalisme littéraire imprégné de l’héritage de Jack London, la condition africaine-américaine dans l’œuvre de Richard Wright, le western révisionniste de Jim Jarmusch Dead Man ou encore la filmographie récente d’un cinéaste indépendant contemporain comme Paul Thomas Anderson.