Thèse soutenue

Sciences sociales et politiques publiques : les dispositifs de lutte contreles sectes en France : histoire et sociologie d'une ingénierie de gouvernement

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Auteur / Autrice : Laure Gicquel
Direction : Olivier Ihl
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences politiques
Date : Soutenance le 21/10/2019
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes (ComUE)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale sciences de l'homme, du politique et du territoire (Grenoble ; 2001-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Pacte, laboratoire de sciences sociales (Grenoble, Isère, France)
Jury : Président / Présidente : Franck Frégosi
Examinateurs / Examinatrices : Olivier Ihl, Paul Zawadzki, Yann Raison du Cleuziou
Rapporteurs / Rapporteuses : Franck Frégosi, Yves Déloye

Résumé

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Les « sectes » ont été l'objet d'une forte médiatisation à la suite de plusieurs tragédies survenues à l'étranger, puis en France en 1995. Puisque la « secte », vocable non défini en droit, recouvre un concept mouvant selon les époques et les moeurs, en filigrane, la question centrale est celle de la pérennité d’une politique lancée en réponse à une crise sociale et religieuse. Ainsi, la politique publique de lutte contre les dérives sectaires peut-elle perdurer alors que son objet principal est méconnaissable ? Subit-elle de telles transformations qu'à terme, elle disparaît pour laisser place à de nouveaux mécanismes plus adaptés aux évolutions de son objectif initial ?Le thème est complexe et clivant, mettant en jeu la perception du religieux et du sacré, impliquant la conception de la laïcité spécifique à la France. Une première phase de problématisation débute dans les années 1970, avec l'apparition en France de l'Eglise Moon et les mobilisations associatives de parents d'adeptes inquiets. Cette mise à l'agenda débouche sur le rapport Vivien en 1983, rendu au Premier Ministre, mais n'aboutit pas à une réelle action des pouvoirs publics. Le réseau associatif, qui s'étend rapidement, va devenir le fer de lance de la lutte : à la fois experts et acteurs de terrain, les « anti-sectes », souvent militants engagés, impliqués émotionnellement, sont dans une position névralgique. En 1995, après le massacre de l'Ordre du Temple Solaire dans le Vercors, un réel appareil administratif se met en mouvement, attirant des critiques d'une partie de la communauté scientifique aussi bien que d'autres nations, tout particulièrement les Etats-Unis dont la conception traditionnelle de la liberté de religion est heurtée par cette politique proactive.Par la suite, la politique de lutte connaît un âge d'or, jusqu'en 2005, une fois passés la « grande peur de l'an 2000 » et le foisonnement de mouvements apocalyptiques. Une circulaire met fin à l'emploi du terme « secte ». Les grands mouvements religieux ont disparu ou se sont « normalisés », le phénomène sectaire recouvre désormais une nébuleuse de micro-mouvements insaisissables et peu définis au regard du public. La politique entame un lent déclin, qui apparaît inéluctable, lié à l'éclatement de son objet tout comme à une méfiance grandissante envers les institutions qui apparaissent censurer le libre arbitre religieux. Au milieu des années 2010 cependant, le « jihad » devient un problème public central, à la suite des attentats. Les institutions de lutte, détentrices d'une expertise considérable dans le domaine de la radicalisation religieuse, sont soudain sollicitées, alors que parallèlement, la lutte contre les dérives sectaires se poursuit avec l'apparition de nouvelles dérives qui s'entrelacent, soutenues par les théories conspirationnistes. Cette thèse reprend donc, au double prisme de l'analyse des politiques publiques et de la socio-histoire, la chronologie de la création, du développement et du relatif déclin de la politique de lutte contre les dérives sectaires.