Thèse soutenue

Brigitte Bardot "au procès de la femme moderne" : un événement d'opinion au tournant des années 1960 en France

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Emilie Giaime
Direction : Arlette Farge
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire et civilisations
Date : Soutenance le 13/12/2022
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Geneviève Sellier
Examinateurs / Examinatrices : Geneviève Sellier, Antoine de Baecque, Myriam Tsikounas, Michelle Perrot, Ginette Vincendeau
Rapporteurs / Rapporteuses : Antoine de Baecque, Myriam Tsikounas

Résumé

FR  |  
EN

Cette étude s'intéresse à Brigitte Bardot au tournant des années 1960, que l'on considère comme un événement d'opinion. Première star de masse en France, elle est objet de désirs multiples : fantasme sexuel, objet d'un désir mimétique chez des jeunes filles qui la prennent comme support d'identification ; mais aussi objet d'un désir de voir et de savoir en une société qui change de visage. Bardot suscite ainsi un flot de discours médiatiques et cinématographiques, mais aussi des discours « savants » qui cherchent à comprendre son mythe, ainsi que des « bavardages » dans les courriers de lecteurs de magazines populaires. Cette thèse entreprend d'en retrouver les traces pour examiner la façon dont ces discours sur la star éclairent la période et ses enjeux : modernisation accélérée, entrée dans la société de consommation, essor de nouveaux médias, conflit de générations, guerre d'Algérie. Bardot, symbole de jeunesse, de renouveau et de liberté, permet de mettre en lumière des clivages d'opinion, et un conflit de valeurs entre tradition et émancipation. "La Vérité", film d'Henri-Georges Clouzot sorti en 1960, sert de point d'entrée dans la réflexion. Bardot y interprète un personnage de jeune femme séductrice et criminelle inspiré de Pauline Dubuisson, dont le procès a défrayé la chronique en 1953. La comparaison entre la réception du film par la critique établie, par les jeunes cinéphiles "Les Cahiers du cinéma", "Positif") et enfin par le public dit « ordinaire », permet d'en révéler des lectures plurielles et genrées, mais aussi situées politiquement. Le courrier des lecteurs de l'hebdomadaire "Cinémonde" est ici investi comme source de prédilection : s'y délivrent les seules traces accessibles d'une forme de cinéphilie féminine invisible dans les autres médias. En donnant voix aux spectatrices sur "La Vérité" et sur Bardot, s'y expriment en outre les opinions de jeunes femmes sur leur situation sociale, ainsi que des désirs d'émancipation. Cette analyse porte sur la place du cinéma en ce moment où il est terrain d'affrontement entre « tradition de qualité » et Nouvelle Vague émergente. Elle envisage le rôle de la fiction, à laquelle on prête un pouvoir d'influence sur les publics, et des facultés d'anticipation sur le réel. En s'ancrant dans le rappel du contexte, on interroge ici les relations des contemporain.e.s aux représentations sur la question de l'émancipation des femmes, et des indépendances. À l'intersection d'une histoire du féminisme, des études culturelles et d'une histoire des représentations, cette thèse aborde enfin la place de l'événement dans la restitution de cette période – l'événement d'opinion qu'est Brigitte Bardot, les événements historiques majeurs, de la modernisation à la guerre d'Algérie, ou encore le rôle des « événements de l'imaginaire » et leur impact, en examinant les expressions d'un protoféminisme à l'oeuvre dans une société oppressive pour les femmes.