Thèse soutenue

L'édifice de la valeur : sociologie de la financiarisation de l'immobilier en France (fin des années 1980-2019)

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Auteur / Autrice : Marine Duros
Direction : Florence Weber
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 16/03/2022
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Frédéric Lebaron
Examinateurs / Examinatrices : Frédéric Lebaron, Valérie Boussard, Patrick Le Galès, Marlène Benquet, André Orléan, Antoine Vion
Rapporteurs / Rapporteuses : Valérie Boussard, Patrick Le Galès

Résumé

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Comment l’immobilier est-il devenu une nouvelle « classe d’actifs » pour les fonds d’investissement et les investisseurs institutionnels ? Alors que la financiarisation de l’immobilier en France est souvent analysée comme une étape liée à l’arrivée de fonds anglo-saxons au lendemain de la crise immobilière de 1991-1995, venant modifier les logiques de détention patrimoniale de l’immobilier des compagnies d’assurance, cette thèse entend l’appréhender comme un processus politique, qui se met progressivement en place dans les années 1980 au cœur des institutions financières françaises, non sans contestation. Au carrefour de la sociologie économique, de la sociologie des professions et de la sociologie politique, elle analyse comment émerge et s’étend un champ de l’immobilier financiarisé des années 1990 à la fin des années 2010, dont les acteurs partagent une même conception de l’immobilier comme actif financier à valoriser et se retrouvent autour de l’impératif d’extension de ce marché. Pour cela, elle s’appuie sur l’analyse d’archives personnelles d’entrepreneurs clés de ce changement institutionnel, de littérature grise depuis les années 1990, d’une ethnographie de deux ans dans ce monde au croisement de la finance et de l’immobilier et de quatre-vingt entretiens avec des acteurs privés et publics impliqués dans ce processus. Elle prend ainsi le contre-pied du récit développementaliste déployé par les professionnel·les de l’immobilier opposant un « avant » financiarisation, marqué par des pratiques professionnelles archaïques et des relations marchandes reposant sur l’interconnaissance, et un « après » financiarisation, caractérisé par l’avènement d’un véritable marché de professionnel·les, par la transparence des échanges ainsi que par une standardisation et une harmonisation des pratiques à l’échelle internationale. Dans ce cadre, la thèse porte une attention particulière à la fabrique de la valeur sur ce marché de l’immobilier financiarisé. À partir d’une socio-histoire des institutions de valorisation et d'une ethnographie des pratiques de quantification et d’évaluation, et de la formation des récits de marché déployés par une myriade d’acteurs du champ (analystes de marché, expert·es en évaluation immobilière, brokers, directeur·es d’investissement, journalistes économiques, etc.), elle montre que la valeur repose sur une architecture institutionnelle spécifique. Celle-ci est entendue comme un ensemble stabilisé de règles formelles, juridiques, formes d’organisation du travail, dispositifs (méthodes de calculs, normes comptables, etc.), mais aussi de compromis informels et de croyances propres au champ, qui participent à consolider l’activité d’accumulation des investisseurs immobiliers. Une attention particulière est portée aux « crises » qui ont marqué ce secteur et qui révèlent les rapports de force au sein du champ, ainsi que les ressorts sociaux du maintien ou de la fragilisation de cet édifice de la valeur.