Thèse soutenue

Écrire la fin et la mémoire des mondes : une ethnocritique d’Atala, René, les aventures du dernier Abencerage

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Auteur / Autrice : Simon Lanot
Direction : Marie-Rose ScarpaVéronique Cnockaert
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Langues, littératures et civilisations
Date : Soutenance le 02/12/2019
Etablissement(s) : Université de Lorraine en cotutelle avec Université du Québec à Montréal
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Humanités Nouvelles - Fernand Braudel (Lorraine)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de Recherche sur les Médiations (Metz)
Jury : Président / Présidente : Jean-Marie Roulin
Examinateurs / Examinatrices : Marie-Rose Scarpa, Véronique Cnockaert, Philippe Antoine, Rachel Bouvet, Jean-Marie Privat
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-Marie Roulin, Philippe Antoine

Résumé

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La question de la fin des civilisations, des empires ou des systèmes de valeurs, tient une place majeure dans l’œuvre de Chateaubriand. Ses romans brefs, Atala, René et Les Aventures du Dernier Abencerage, écrits pendant la Révolution et l’Empire, évoquent, à travers la figure du « dernier », la fin des sociétés autochtones d’Amérique, de l’Andalousie musulmane, de la France de Louis XIV, mais aussi la fin des communautés jésuites au Nouveau-Monde, celle des provinces françaises et de l’Écosse clanique traditionnelle. En nous appuyant sur les travaux de Vincent Descombes, nous analysons comment l’écriture fictionnelle transforme ces sociétés disparues en mondes, en univers cohérents et structurés par un système de valeurs, une rhétorique et une cosmologie propres. L’intrigue s’élabore sur une « brèche » historique (Hannah Arendt, François Hartog), dans un entre-deux-mondes : cette faille entre deux mondes, cet espace-temps frontalier, n’est pas seulement le cadre de la fiction, c’est aussi son sujet. L’écriture ne vise pas à reconstituer les mondes perdus mais figurer le passage d’un monde à l’autre, ou plus précisément un double passage : celui du lecteur vers les mondes auxquels le texte l’initie, et celui du monde ancien vers le monde nouveau. Les nombreuses descriptions narrativisées de rites (rites chamaniques, islamiques, chrétiens) peuvent être lues comme des clefs pour appréhender ces passages. En explorant l’hypothèse que formule l’ethnocritique d’une homologie possible entre rite et récit, nous étudierons la dimension ritique de cette écriture qui reconfigure des mondes perdus. Ces mondes sont élaborés par l’écriture selon trois voies : l’utopie, l’âge d’or, et ce que nous appelons, en reprenant Daniel Fabre, « le pays du temps ». La notion de « vérité négative » (Lévi-Strauss) nous incite à lire l’utopie comme une critique de l’entreprise coloniale. L’âge d’or comme « mythe politique » (R. Girardet) fait de l’Andalousie mythifiée une réflexion politique sur le despotisme. Enfin, le « pays du temps » regroupe tous ces mondes dans lesquels la perception du temps obéit à une logique autre que celle de la modernité : aussi le récit intègre-t-il les logiques des cultures orales pour percevoir et habiter autrement le monde. Ce sont trois voies pour écrire le monde moderne, mais en « contrepoint » (Edward Saïd). L’écriture de la mémoire des mondes exige une écriture métissée qui intègre des logiques culturelles diverses.