Thèse soutenue

"La Mer, cet ennemi de plusieurs siècles" : Identifier et comprendre les trajectoires de vulnérabilité des sociétés littorales bas-normandes (1650-1940)

FR
Auteur / Autrice : Suzanne Maertens
Direction : Vincent MilliotEmmanuel Garnier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire
Date : Soutenance en 2016
Etablissement(s) : Caen
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Normandie Humanités (Mont-Saint-Aignan, Seine-Maritime)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherche d'histoire quantitative (Caen ; 1966-2016)
autre partenaire : Normandie Université (2015-....)
Jury : Président / Présidente : Stéphane Costa
Examinateurs / Examinatrices : Vincent Milliot, Emmanuel Garnier, Stéphane Costa, Anne Conchon, Catherine Meur-Férec, Christine Bordier
Rapporteurs / Rapporteuses : Anne Conchon, Catherine Meur-Férec

Résumé

FR  |  
EN

Dans un contexte climatique et budgétaire incertain, l’absence de culture commune de la vulnérabilité littorale constitue un frein supplémentaire à la portée consensuelle des politiques d’aménagement des territoires exposés aux risques de submersion. Sans bilan clair et partagé de notre héritage en matière de gouvernance du risque, conduire des projets prospectifs constitue en effet un exercice périlleux et difficilement constructif. Cette étude doctorale s’attache donc à reconstituer puis à comprendre l’itinéraire de vulnérabilité des côtes basses bas-normandes entre 1700 et 1940. L’espace de réflexion ne se limite pas à l’interface terre/mer qui définit habituellement le littoral. L’analyse intègre les relations d’échanges et la mutation des terroirs attenants : polders, ports, zones humides arrière-littorales, bocage, plaine. Cette enquête repose sur la création d’un indice de vulnérabilité exploitable à diverses échelles (nationale, régionale et communale). Cet outil permet de cartographier, quantifier et analyser très finement l’évolution des dommages météo-marins. Les aléas météo-marins indicés englobent l’ensemble des phénomènes ayant engendré des dommages, des prises de décisions, des modes de pensées et des aménagements : sables volages, érosion, affouillements, ruptures de digue, progrès de la mer, submersions, raz de marée, ouragans. L’exploitation de cet indice exige des données extrêmement fines et homogènes que le corps du Génie et des Ponts et chaussées, les dossiers de l’intendance de Caen et ceux des préfets de la Manche et du Calvados, la presse et les archives communales sont à même de fournir entre 1650 et 1940. La reconstitution chronologique et spatiale des dommages met en exergue quatres secteurs connaissant des trajectoires de vulnérabilité identifiables et très marquée. Durant le petit Age Glaciaire, la côte Ouest du Cotentin et les côtes du Calvados sont faiblement exposées aux risques de submersion en raison d’un intense phénomène d’accrétion. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le développement des bains de mer bouleverse cependant les modes d’occupation du sol de ces deux secteurs côtiers et engendre une croissance concomitante des aléas météo-marins. De la Révolution à la Troisième République, la baie du Mont-Saint-Michel traverse des décennies dramatiques qui révèlent combien les inégalités, les périodes de troubles et les représentations influent sur l’efficacité de la gouvernance du risque. La côte Est du Cotentin, troisième secteur d’étude, s’enlise durablement dans la spirale "du tout endiguement". Sa vulnérabilité ne cesse de croître tout au long de la période d’étude malgré la mise en œuvre d’un arsenal de mesures techniques et réglementaires de plus en plus lourd. Cette étude doctorale dissèque les fondements sociétaux, économiques, philosophiques et politiques contribuant, en sus des facteurs climatiques et environnementaux, à minorer ou majorer la vulnérabilité des sociétés littorales. La contextualisation des politiques de défense contre la mer et l’étude de leurs impacts à long terme y tiennent une place particulière.