Thèse soutenue

Apports des traditions scéniques orientales dans les théories esthétiques et les pratiques du théâtre européen au XXe siècle

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Auteur / Autrice : Min-Yuan Li
Direction : Bernadette Bost
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Lettres et arts
Date : Soutenance le 13/06/2013
Etablissement(s) : Lyon 2
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, langues, linguistique, arts (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Passages XX-XXI (Lyon ; 2007-....)
Jury : Président / Présidente : Mireille Losco-Lena
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Marie Pradier
Rapporteurs / Rapporteuses : Christine Hamon-Siréjols, Françoise Quillet

Résumé

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Dans la dernière dizaine années du 19ème siècle, les créations de Lugné-Poe et d’Antoine expérimentent de nouvelles esthétiques de représentation et voient dans la mise en scène l’essence de la création théâtrale. Le metteur en scène devient lui-même auteur, au point de jouer parfois un rôle prédominant. Tout au long du 20ème siècle, cette évolution de la mise en scène, en s’accélérant parfois brutalement, a pu atteindre une certaine anarchie. C’est pourquoi l’esthétique de la tradition scénique orientale, qui passe par des formes artistiques reproductibles, voire stéréotypées, a pu fournir des repères et des garde-fous. Paul Claudel est le premier à en avoir une réelle connaissance grâce à ses longs séjours en Asie. Il intègre les traditions, les cultures et les philosophies orientales dans son écriture théâtrale, et propose une nouvelle forme épique et lyrique de la dramaturgie, comme dans Le Soulier de satin et Christophe Colomb. Dans une proposition de théâtre symboliste, il met en scène de véritables poèmes reflétant sa cosmologie et sa vision poétique, en réalisant pratiquement le « théâtre total » dont rêve Jean-Louis Barrault. Au début du 20ème siècle, plusieurs expositions coloniales introduisent l'Orient en Occident. Elles donnent aux Occidentaux l'occasion d'un contact direct avec les traditions scéniques orientales. Les jeux formalistes, sacrés et esthétiques, de la poésie symbolique, séduisent les intellectuels et les artistes. En particulier, les représentations de Sada Yacco et Mei Lan-Fang déclenchent l’enthousiasme. Les théoriciens-metteurs en scène sont passionnés par les jeux expressifs et métaphoriques de leurs corps robustes, agiles et bien proportionnés, par leurs attitudes modérées et discrètes, tous façonnés selon la tradition séculaire orientale. Bien qu'il y ait des nuances entre les divers théâtres asiatiques, on les regroupe sous la dénomination usuelle de « théâtre oriental ». C'est la raison pour laquelle nous avons analysé à la fois les chocs provoqués par les trois grands événements qu’ont été, en Europe, successivement la visite de la troupe de Sada Yacco en 1901, l’Exposition Coloniale en 1931, et l’arrivée de Mei Lan-Fang en 1935, sur le théâtre occidental, mais aussi les origines et les caractères communs des théâtres asiatiques .Dès lors que les artistes innovants découvrent le théâtre oriental, ils sont subjugués par l’authenticité de sa théâtralité et l’opposent au théâtre occidental, dont ils dénoncent les défauts de la convention théâtrale. Les traditions scéniques orientales leur présentent des esthétiques paradoxales : des embellissements dépouillés mais enrichissants sur le plan métaphorique, des jeux artificiels stylisés mais révélant les détails réalistes, des créations contraintes par la tradition mais libérées par le talent des artistes, des représentations courtes mais requérant un long temps d’apprentissage, un seul art théâtral intégrant divers arts. Se référant à ces formes caractéristiques orientales, Craig cherche à trouver une « forme définie », Meyerhold tend à établir une nouvelle convention de théâtralité, Brecht approfondit sa théorie et son écriture visant à l'effet de la « distanciation » et Artaud désire « en finir avec les chefs-d’œuvre » et faire parler le propre langage scénique. Après ces innovateurs qui ont découvert la source de l’Orient, les metteurs en scène suivants, tels Grotowski, Barba, Brook et Ariane Mnouchkine, orientent leur recherche spirituelle et introspective vers l'Orient, en engendrant leur propre esthétique réalisée par la pratique. De la sorte, cette dernière ne relève plus d’une unique tradition orientale ou de la convention occidentale, mais d’une fécondation née de leur appropriation de l’Orient mêlée à leur propre personnalité, leur « tribu » et leurs préférences culturelles.