Thèse soutenue

L’éducation à la citoyenneté : dressage ou libération ?

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Auteur / Autrice : Magloire Kédé-Onana
Direction : Monique Castillo
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie
Date : Soutenance le 07/12/2011
Etablissement(s) : Paris Est
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale Cultures et Sociétés (Créteil ; 2010-2015)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : LIS - Lettres Idées Savoir - Lettres, Idées, Savoir
Jury : Président / Présidente : Jean-Claude Bourdin
Examinateurs / Examinatrices : Monique Castillo
Rapporteurs / Rapporteuses : Anne-Marie Chartier

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Mots clés libres

Résumé

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De 1990 à 2004, j’ai exercé divers postes de responsabilité dans l’éducation nationale au Cameroun. D’abord comme directeur de Collège puis comme proviseur. J’ai pu mesurer les difficultés qu’il y avait à réaliser les exigences actuelles de scolarisation, dans un contexte marqué non seulement par un profond désarroi d’une population partagée entre la modernisation et la tradition mais aussi le progrès technique et l’unification du monde. L’expérience des anciens philosophes aidant, et au regard de ces enjeux, j’ai entrepris dans ce travail d’interroger ce qui, chez Platon, Aristote, Rousseau, Kant, nous permet de maintenir voire de perfectionner les valeurs humanistes énoncées lors du miracle grec. Platon enseigne une pédagogie visant à une transformation politique, ou tout aussi bien une politique visant à une nouvelle pédagogie : il veut construire un homme nouveau, pleinement homme. Avec lui, débutent les grandes utopies politiques et pédagogiques ; utopies sans doute, mais qui témoignent que l’homme est dans la mesure où il vise un idéal de soi ; même si la République pense la construction et la destruction cycliques du régime politique (et de la pédagogie), elle ouvre à l’humanité l’imprévisibilité de l’Histoire. Aristote se défend de rêver ; il observe les sociétés de son temps, les décrit, les critique, les apprécie. Faute de pouvoir construire une société idéale, il défend la moins mauvaise : un mixe d’oligarchie et de démocratie, marqué par la domination de la classe moyenne. Mais, chez Aristote comme chez Platon, seuls accèdent à la pleine citoyenneté et à l’éducation plénière, seuls sont citoyens, les hommes « libres », non seulement les esclaves mais les travailleurs manuels sont exclus de la citoyenneté. Nous sommes dans la cité grecque : le citoyen gère sa maison et la République, il la défend à la guerre, mais il ne se souille pas de basses besognes. Rousseau pense dans le contexte d’une monarchie déclinante, où s’éveillent fortement les besoins de liberté et d’égalité. S’il est pessimiste relativement au progrès humain, il estime que ce progrès culturel est sans retour en arrière possible ; il s’agit donc de fonder le régime politique permettant à l’humanité, lancée dans l’Histoire, par l’aventure de l’Histoire, dans un destin imprévisible, de s’accomplir de la meilleure façon. Le Contrat social fonde le régime politique légitime, l’Emile esquisse la réforme pédagogique qui permettra de l’instaurer, en se fondant sur la bonté originelle de la nature humaine. Kant est convaincu que l’Histoire mène une humanité devenue adulte vers son unification. Les âges de guerre et d’oppression vont se terminer. Mais Kant ne partage pas l’optimisme de Rousseau quant à la nature humaine ; ce qu’il y a de bon dans l’homme, c’est la conscience du devoir- mais on peut dire non au devoir. C’est à partir du devoir que l’éducation pourra former les humains capables de gérer en paix une humanité nouvelle. Cette humanité nouvelle, le prodigieux développement des techniques depuis le milieu du XIXè siècle l’a créée, mais pas exactement comme elle était rêvée : deux terribles guerres mondiales ont bien fait décliner la croyance au progrès. C’est dans cette situation confuse, hésitante, que ce travail a été conçu et mené. Le progrès technique et les nouveaux modes de vie qu’il a suscités amènent bien plus d’interrogations et d’inquiétudes que de certitudes. La méditation des grands penseurs d’autrefois devait nous aider à nous attaquer aux problèmes d’aujourd’hui. Par-delà leurs divergences, Platon, Aristote, Rousseau, Kant, se rejoignent en constatant l’implication mutuelle de la politique, gouvernement des hommes, et de l’éducation, formation des citoyens de demain ; comme le dit explicitement Aristote, chaque type de régime politique a sa pédagogie spécifique...