Thèse soutenue

L'armée et la torture pendant la guerre d'Algérie : les soldats, leurs chefs et les violences illégales

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Auteur / Autrice : Raphaëlle Branche
Direction : Jean-François Sirinelli
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire
Date : Soutenance en 2000
Etablissement(s) : Paris, Institut d'études politiques

Résumé

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De 1954 à 1962, l'armée française a progressivement recu la charge de lutter contre des adversaires qui étaient non seulement des soldats dans les maquis, mais aussi des terroristes et/ou des militants politiques. La torture s'est retrouvée rapidement au cœur de cette guerre particulière, théoriquement constituéed'« opérations de maintien de l'ordre » et, de plus en plus, définie comme une « guerre contre-révolutionnaire ». L'action des Parachutistes de la 10e d. P. à Alger en 1957 marque un point extrême dans son usage, qui fut à la fois massif et rationalisé, comme le démontre une étude précise des gestes violents. Cette étape, qualifiée à l'époque de « Bataille d'Alger », révéla une guerre totale, menée dans l'ignorance des règles de droit élémentaires. La « Bataille d'Alger » a vu aussi émerger un service de renseignement spécialisé qui devint, jusqu'en 1962, un des traits caractéristiques de la Guerre d'Algérie : les DOP (détachements opérationnels de protection). Leur autonomie de fonctionnement et leurs méthodes ont conduit aux pires violences hors de toute règle de droit. Mais ils étaient aussi les collaborateurs, encombrants et pourtant utiles, des services de renseignement officiels. Ces derniers ont également eu recours massivement à la torture : à partir de 1957, cette méthode était répandue et reconnue comme nécessaire dans toute l'Algérie. Elle fit un nombre croissant de victimes, débordant largement une fonction de simple renseignement. Dans l'affrontement entre tenants du maintien de l'Algérie française et partisans de l'indépendance, la torture fut une arme de terreur. Elle imposa au sein de la population un discours de la force absolue qui, ajoute aux combats et à d'autres formes d'action, violentes ou non violentes, donna aux « Evènements d'Algérie » le visage étrange d'une nouvelle guerre de conquête. Subie par les Algériens, cette violence interpersonnelle particulière laissa aussi des traces dans l'armée de la nation. La manière dont les ordres circulaient, les responsabilités de chaque échelon et les conséquences légales, sociales, politiques ou morales, de la pratique de la torture par des soldats francais, alors même qu'elle était interdite par tous les textes, sont autant d'éléments centraux pour la compréhension de l'armée pendant et après la Guerre d'Algérie. En dépit de l'amnistie du 22 mars 1962, sur laquelle se termine cette thèse, ces traces continuent à marquer la société française d'après la guerre.