Thèse soutenue

Politiques de l'autochtonie : histoires, scènes et ressources de subjectivation politique chez les peuples autochtones du bas Marañón (Amazonie péruvienne)

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Auteur / Autrice : Thomas Mouries
Direction : Philippe DescolaIrène Bellier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Anthropologie sociale et ethnologie
Date : Soutenance le 18/09/2020
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Alexandre Surrallés
Examinateurs / Examinatrices : Alexandre Surrallés, Jean-Pierre Chaumeil, Andrea-Luz Gutierrez-Choquevilca, Anne-Marie Losonczy
Rapporteurs / Rapporteuses : Valérie Robin Azevedo, Oscar Espinosa de Rivero

Résumé

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Cette étude est consacrée aux histoires qui relatent l’épopée de l’autochtonie dans le bassin du bas Marañón, à la formation des subjectivités individuelles et collectives qui en sont les protagonistes, aux scènes où celles-ci se produisent et aux ressources auxquelles elles puisent afin de se constituer politiquement en sujets de leur propre destin en tant que peuples autochtones. Il s’agit ainsi de décrire les politiques plurielles de l’autochtonie : les subjectivations politiques autochtones dans le bas Marañón produisent en effet une politique de l’adaptation en même temps qu’une politique du décalage, une politique de la diplomatie en même temps qu’une politique de la guerre, une politique de l’intégration en même temps qu’une politique de l’émancipation, et une politique de la représentation en même temps qu’une politique de la vision.Il s’agit d’abord de comprendre les facteurs socio-historiques et les assemblages juridico-politiques qui à la fois contraignent et rendent possible l’émancipation des autochtones amazoniens aujourd’hui. L’enquête se penche ensuite sur les différentes scènes où se fabrique la figure collective du peuple autochtone dans sa capacité à énoncer un « nous » et à se distinguer d’un « eux » : la scène d’une assemblée politique locale, puis celle d’une fédération autochtone régionale, et enfin celle du face-à-face entre les autochtones et l’État. À chaque étape, un caractère fondamental des subjectivations politiques se trouve en jeu : la formation des bases d’une organisation homogène à partir d’une hétérogénéité initiale, la négociation d’une capacité de représentation politique, l’articulation des différentes échelles du leadership, l’émergence d’un « nous, peuples autochtones » sur la scène polémique de son énonciation, et l’affirmation conjointe de son autonomie et de son appartenance à la nation. Enfin, il s’agira de montrer comment les leaders autochtones du bas Marañón puisent aux ressources polyvalentes de l’identité, de l’ontologie et du droit afin de constituer des subjectivités politiques singulières.Il s’agit bien, à chaque fois, de rendre l’autochtonie obstinément persistante et insaisissable en tant qu’elle produit – face à tout ce qui tend à en neutraliser les effets d’émancipation – les ressources mêmes de sa subjectivation politique. Cette enquête montre ainsi que la politique autochtone n’est pas d’abord ni principalement une politique identitaire, ni une lutte pour la sauvegarde culturelle, ni même une entreprise de contestation sociopolitique, mais une capacité d’aménager des marges de manœuvre dans l’adversité, de s’engager dans un agir commun et de produire un nouveau sujet collectif à partir de singularités recomposées. Autrement dit, il n’y a de subjectivation politique autochtone que parce que le sujet politique qu’il vise n’est pas donné mais, toujours, à venir.