La fragilité des limites : une lecture de la critique de la modernité chez Alain Finkielkraut

The fragility of limits : a reading of Alain Finkielkraut's critique of modernity

• Auteur / Autrice : Matilde Anxo
• Direction : Frédéric Brahami, Ugo Ruiz
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Etudes politiques (option : Philosophie politique)
• Date : Soutenance le 13/12/2023
• Etablissement(s) : Paris, EHESS en cotutelle avec Göteborgs universitet
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
• Jury : Président / Présidente : Christina Lindqvist
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Christina Lindqvist, Claude Habib, Karl Ågerup, Giulio De Ligio
• Jury : Rapporteurs / Rapporteuses : Claude Habib, Karl Ågerup

Mots clés

Mots clés contrôlés

Finkielkraut, Alain (1949-....)

Philosophie de l'homme

Herméneutique

Modernité

Mots clés libres

Limites

Monde commun

Pluralité humaine

Littérature

Alain Finkielkraut

Modernity

Limits

Literature

Common World

Human Plurality

Résumé

Alain Finkielkraut participe depuis plus de quarante ans aux débats qui ont structuré et qui ont parfois divisé la vie publique et intellectuelle en France. C’est un penseur qui suscite à la fois la controverse, la réprobation et l’admiration. Cette thèse a pour objectif d’aller par-delà ces considérations normatives et propose une analyse herméneutique de sa pensée. Nous soutenons ici que la question des limites forme une constante dans sa pensée et que sa conception des limites est nécessaire pour comprendre sa critique de la modernité. La limite, dans ses dimensions temporelles et spatiales, structure la relation entre l’Ancien et le Nouveau, protège la durabilité du monde commun et trace la distinction entre le public et le privé, assurant ainsi à la fois la séparation et l’alliance entre les hommes dans le monde commun. Pour cette raison, la première partie se propose d’identifier les limites sous leurs différentes formes dans la pensée de Finkielkraut. Elle s’attache à sa critique « négative » de la modernité et éclaire comment sa conception des limites le guide dans sa critique du monde contemporain, notamment en ce qui concerne l’évolution de l’éducation, de l’héritage ou du processus d’égalisation. La limite est appréhendée dans ses diverses dimensions temporelles, spatiales et ontologiques, ainsi qu’à travers les différentes strates du monde humain, réparties entre le singulier, l’universel ou encore le particulier. La deuxième partie s’attache à la vision de la littérature de Finkielkraut et comment il appréhende celle-ci comme un contre-poids à l’idéologie ou à la doxa. Nous montrons que la littérature constitue à la fois une exploration épistémologique et une exploration éthique pour le philosophe. L’exploration épistémologique renvoie à l’idée que la littérature peut procurer un autre savoir que les sciences. C’est le savoir du particulier et de l’imprévisible, propre à la condition humaine. Cette connaissance relève de la nuance et de la mesure et s’oppose au fantasme qui, au contraire, renforce les préjugés. Elle diffère du concept philosophique car ce n’est pas le général qu’elle vise mais les vies individuelles. L’exploration éthique de et par la littérature signifie qu’elle permet de sortir de la subjectivité et comprendre d’autres vécus, permettant alors d’élargir l’horizon de compréhension. En ce sens nous identifions comment le roman dans sa conception finkielkrautienne, offre la possibilité de rendre compte de la pluralité humaine. Finalement, la troisième partie s’intéresse à la critique « positive » de Finkielkraut, à « la modalité du pouvoir être », autrement dit sa proposition de monde. Elle met en relief ce que Finkielkraut préconise comme nécessaire à la condition humaine, condition humaine qui dépend selon lui à la fois de l’Ancien et du Nouveau, d’une alliance entre le singulier, l’universalisme et le particularisme, et de l’association de la liberté et de la culture, de la volonté et de l’appartenance.

For over forty years Alain Finkielkraut has been part of debates that have structured, and sometimes divided, public and intellectual life in France. He is an intellectual who arouses controversy, disapproval and admiration. The aim of this thesis is to go beyond these normative considerations and propose a hermeneutic analysis of his work.We argue that the question of limits is a constant feature of his thinking, and his conception of limits is crucial for understanding his critique of modernity. Limits, in their temporal and spatial dimensions, structure the relationship between the Old and the New, ensure the durability of the Common World, and delineate the public and the private sphere, thus ensuring both the separation and the bond between the Peoples of the common world.For this reason, the first part identifies limits in their various forms in Finkielkraut's thought. This part focuses on his 'negative' critique of modernity and sheds light on how his conception of limits shapes his critique of the contemporary world, particularly with regard to the evolution of education, inheritance and egalitarianism. The limit is apprehended in its various temporal, spatial and ontological dimensions as well as through the different strata of the human world, divided between the singular, the universal and the particular.The second part looks at Finkielkraut's vision of literature, which the philosopher sees as a counterweight to ideology or doxa. We show that literature constitutes for him both an epistemological and an ethical exploration. The epistemological exploration refers to the idea that literature is a source of knowledge beyond science: the knowledge of the particular and the unforeseeable, specific to the human condition. This knowledge is nuanced and measured, in in opposition to phantasm that reinforces prejudice. It differs from the common philosophical concept in that it is not aimed at the general but at individual lives. The ethical exploration of, and through, literature means that it enables us to move beyond subjectivity and understand other experiences, thereby broadening the horizon of understanding. In this sense, we identify how the novel, in its Finkielkrautian conception, offers the possibility of accounting for the plurality of human beings. Finally, the third part focuses on Finkielkraut's 'positive' critique, on “la modalité du pouvoir être”, in other words, his weltanschauung (Proposition du monde). It highlights what Finkielkraut advocates as necessary for the human condition, a human condition that he believes depends on both the Old and the New, on an alliance between universalism and particularism, and on the combination of freedom and culture, will and belonging.