Thèse soutenue

Vivre dans l'intranquillité : une étude sur la vie quotidienne des demandeurs d’asile en France et en Allemagne

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Auteur / Autrice : Audran Aulanier
Direction : Johann MichelDietmar Loch
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 15/12/2023
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'étude des mouvements sociaux (1970-.... ; Paris)
Jury : Président / Présidente : Daniel Cefaï
Examinateurs / Examinatrices : Daniel Cefaï, Marc Breviglieri, Catherine Delcroix, Natalie Depraz, Carolina Kobelinsky
Rapporteurs / Rapporteuses : Marc Breviglieri, Catherine Delcroix

Résumé

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Dans cette thèse, je suis le fil rouge d’une pression de l’intranquillité qui affecte les capacités attentionnelles des demandeurs et des demandeuses d’asile et en vient à bouleverser leur maintien de soi et leurs rapports à eux-mêmes, ce qui en pousse tant à avoir l’impression de « devenir fous ». Ce fil rouge – qui sert de guide pour rendre compte d’une ethnographie du quotidien des demandeurs d’asile en France et en Allemagne – est déployé à travers quatre parties. Dans la première, je me consacre au temps des demandeurs d’asile. Leur temps est fait d’attente : il est contraint par la procédure. Sur le temps long, l’ennui prédomine. Mais il faut aussi se soumettre au rythme imposé par les institutions en charge de l’asile, qui diffère quelque peu en France et en Allemagne et sort le temps vécu d’une pure uniformité. L’objectif principal de cette partie est de donner à voir la matérialisation de ce temps long de la procédure sur la vie quotidienne des demandeurs, depuis les côtés les plus subis jusqu’aux possibilités de faire face à l’imposition de normes temporelles, en retrouvant un temps à soi. Dans la deuxième partie, je me penche sur le rapport à l’espace des demandeurs d’asile, qui aspirent à retrouver un « lieu à eux ». Leur rapport à l’espace est complexifié par une faible familiarité avec leurs environnements, qui les oblige à interpréter sans cesse et complique la mise en place de routines intimes, à l’abri des regards publics. J’appréhende ce rapport à l’espace d’abord à l’échelle de la ville et ensuite à l’échelle des espaces intérieurs. Cette partie insiste donc sur le thème de l’habiter, montrant que l’espace de vie des demandeurs d’asile est impropre à les protéger et qu’il ne leur donne pas (ou très peu) la possibilité de recevoir, ce qui leur conférerait un pouvoir sur le lieu. Dans la troisième partie, il est question des relations que les demandeurs d’asile entretiennent avec d’autres personnes. Ces relations sont indispensables pour se forger un bon milieu d’hospitalité, apte à se protéger des aléas de l’asile. Au milieu de plusieurs possibilités, je me suis penché sur deux types de relations : les relations d’aide d’une part, et les relations sexuelles, de couple ou familiales d’autre part. Dans cette partie, je montre finalement que l’ombre portée du temps et de l’espace contraints se projette sur les espaces relationnels en les rendant incertains. Après ces trois parties qui décrivent la situation telle qu’elle est, une quatrième partie se présente, davantage normative. J’y parcours différentes théories de l’hospitalité (Kant, Benhabib, Foessel, Tassin, Derrida, Leblanc et Brugère, Stavo-Debauge et Waldenfels) à la recherche de moyens d’étayer une éthique de l’attention, pensée à travers de multiples allers-retours entre ces théories et le terrain. Ce parcours m’amène à proposer, dans le dernier chapitre, une réflexion philosophique à partir de l’enquête sociologique. Le but est de comprendre quel rôle joue l’attention pour les demandeurs d’asile, depuis ses versants pathologiques jusqu’au sentiment d’hospitalité que peut procurer l’attention qui se donne à l’autre et crée une sphère commune entre lui et moi. La formulation de brèves pistes pour une éthique de l’attention conclue la thèse