Thèse soutenue

Les dynamiques de l’islam dans les lieux de l’enseignement supérieur au Sénégal

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Auteur / Autrice : Kae Amo
Direction : Jean-Pierre DozonGora Mbodj
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Anthropologie sociale et ethnologie
Date : Soutenance le 19/04/2019
Etablissement(s) : Paris, EHESS en cotutelle avec Université de Saint-Louis (Sénégal)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Mame Penda Ba
Examinateurs / Examinatrices : Mame Penda Ba, Souleymane Bachir Diagne, Éloi Ficquet, Omar Gueye, Fabienne Samson
Rapporteurs / Rapporteuses : Mame Penda Ba, Souleymane Bachir Diagne

Résumé

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Depuis la fin des années 1980, les mouvements religieux, musulmans pour la plupart, sont particulièrement visibles dans les sphères politiques sénégalaises mais aussi au sein des différents établissements d’enseignement supérieur. Autrefois caractérisés par la présence du militantisme politique de gauche, les milieux universitaires sont aujourd’hui occupés par les croyants. Les jeunes disciples mourides ou tidjianes, ou encore sûnites, emplissent les différents espaces au sein du campus, où ils organisent conférences islamiques, cours de Coran et séances de prière. En outre, un secteur d’enseignement islamique privé émerge en dehors des universités laïques. Basée sur un travail de terrain de longue durée (2003-2009 puis 2010-2015), notre étude vise à mettre en lumière ces différentes dynamiques religieuses au sein des lieux d’enseignement supérieur, que ce soient les universités laïques ou les établissements islamiques. Cette thèse s’articule en deux parties : la première consiste à étudier la construction historique des différentes figures de lettrés musulmans et leurs lieux de savoirs-pouvoirs au Sénégal ; la deuxième analyse la vie religieuse des « étudiants musulmans » d’aujourd’hui, ainsi que leurs sphères d’expression à la fois académique et religieuse.Notre analyse sur la transformation des figures de lettrés musulmans, depuis un demi-siècle, montre que la nouvelle génération se compose davantage d’individus issus de la classe populaire, à la différence de l’ancienne génération des années 1960 et 1970, regroupant surtout des militants des idéologies de gauche et des membres de l’élite universitaire ou religieuse. Les nouveaux types de mouvements religieux adoptent une forme idéologique conforme aux exigences et aux aspirations de la jeunesse sénégalaise urbaine, plus libérale et à la recherche d’autonomie par rapport aux normes sociales et politiques fondées par la génération précédente – intellectuels francophones ou « ku jang ekool » –. Ce travail met en exergue l’importance des nouveaux types de mouvements politico-religieux dans le contexte de la crise idéologique et sociopolitique des années 1980 et 1990, puis de l’arrivée du libéralisme politique et l’émergence de sphères politiques populaires dans les années 2000. Ce qui rassemble ces deux générations de militants, politiques et/ou religieux, est ce que nous avons appelé l’« énergie sociétale » : ils sont en effet les producteurs et les porteurs d’un modèle et d’une théorie qui répondent à la crise du monde, en même temps que les transformateurs de la société. Les nouveaux mouvements religieux proposent aux fidèles des lieux d’épanouissement qui les conduisent à participer au développement de la société, tout en s’appuyant sur les valeurs de l’islam.Nous avons démontré, ensuite, la diversité et la transversalité de ces jeunes musulmans, véritables producteurs de dynamiques sociales et politiques. Nous nous sommes intéressée au parcours de chaque catégorie de croyants ainsi qu’à leurs liens avec leurs environnements socioculturels : université, foyers religieux ou écoles d’enseignement de l’arabe et de l’islam. Il existe aujourd’hui en effet une grande disparité quant à la manière d’être musulman. Aussi, ces jeunes croyants sont très flexibles dans leur façon d’interpréter la religion et naviguent entre différentes sphères et valeurs, en l’occurrence l’islam normatif, le spiritualisme soufi, la modernité occidentale et la culture traditionnelle sénégalaise. Nos descriptions et analyses ont montré comment ils vivent leurs religiosités, en s’appuyant sur leurs propres valeurs de l’islam, et à travers un engagement corporel et spatial « flexible » au sein de l’université ou bien en dehors de celle-ci.